samedi 22 septembre 2007

Quatrième scène

Où?

A l'intérieur du cargo Mercure. Au départ, dans le poste de pilotage (réception du message de Horatio), puis dans la section principale pour la «discussion».

Quand?

Le lendemain de la scène précédente, à deux jours de l'arrivée à Magellan, deux jours après le début de la nouvelle. Le moment exact se situe vers la mi-journée, ce qui donne une journée complète à Horatio pour avoir agi après la conférence dans le bureau du Prévôt.

Qui?

H2, Scott5 et Horatio à travers son message.

Agenda de chaque personnage.

H2: les options qui s'offrent à lui dans son bras de fer avec les autorités s'amenuisent. Il est clair à présent que le Prévôt ne va pas céder devant H2, il semble particulièrement déterminé. H2 se demande s'il doit continuer quand même et précipiter le cargo sur Port Magellan, ou s'il doit renoncer à son acte insensé. Le désespoir de Scott5 l'a touché quelque part, son statut de victime innocente l'a frappé de plein fouet. H2 sait qu'il doit aller jusqu'au bout s'il veut obtenir quoi que ce soit, mais il commence à réaliser les conséquences concrètes de son geste. Dans sa tête, les «victimes innocentes» passent de l'état de concept abstrait à celui d'êtres vivants à travers Scott5. La voix de sa conscience devient de plus en plus difficile à ignorer.

Horatio: Il s'est rendu compte que les chances de voir arriver la cargaison sur Terre en un seul morceau sont très faibles. H2 semble décidé à précipiter la cargo sur Magellan et le Prévôt est prêt à détruire le cargo avant si nécessaire. Horatio doit donc agir s'il veut récupérer la cargaison et renflouer ses finances au plus mal.

Il prend donc contact avec ses amis politiques qui le dirigent vers les parlementaires du conseil Terrestre. Il obtient un rendez-vous rapide et rencontre le groupe chargé des droits humains pour exposer les arguments de H2. Bien qu'ils ne puissent rien faire pour H2 directement, les parlementaires du groupe sont sensibles à l'injustice qui leur est présentée. En fait, un projet est déjà en préparation, cet événement a de bonne chances de précipiter les choses.

Horatio doit communiquer ces bonnes nouvelles à H2. Comme le Prévôt a imposé un black-out sur les communications radio avec le cargo (ce qui est facile pour lui car toutes les communications passent par les installations de Magellan), Horatio doit trouver un autre moyen d'envoyer un message au cargo. Il y parvient grâce à ses contacts chez le constructeur du cargo, en utilisant les canaux utilisés par la télémétrie. Il fait parvenir un message qu'il a enregistré en expliquant les résultats qu'il a obtenu jusqu'à présent.

Scott5: son avenir lui parait des plus sombres et il ne peut rien faire. Il n'a aucun contrôle sur le cours des événements (l'a-t-il seulement déjà eu?). Il se résigne, se renferme. A tel point que H2 ne fait quasiment plus attention à lui. Scott5 peut se déplacer librement dans le cargo, mais il ne le fait que très rarement.

Action:

C'est la mi-journée. H2 est en train de «grignoter» son déjeuner en apesanteur (reconstituant et menu rehydraté en sachet), mais l'appétit n'y est pas. Il observe Scott5 à l'autre bout de la section principale regarder son propre déjeuner sans y toucher. H2 évalue ses options pour les heures à venir: renoncer purement et simplement (ce qui soulagerait Scott5) ou aller jusqu'au bout. Dans ce cas, comment atteindre Magellan sans se faire désintégrer par l'escadrille du Prévôt?

H2 arrête de manger et va jeter ses restes dans les «poubelles spatiales»; Scott5 ne bouge pas. H2 s'apprête à reprendre ses activités du matin (inventaire et rangement), son regard passe par le poste de pilotage où il voit un indicateur clignoter. Il y flotte et réalise qu'il s'agit de l'ordinateur de bord qui signale l'arrivée d'un message par la télémétrie (canal prévu en cas de panne radio). H2 passe le message, Scott5 le rejoint pour écouter. Il s'agit d'un message audio de Horatio. H2 s'assied à sa place, Scott5 s'accroche aux équipements, ils écoutent et on voit leurs réactions.

Messages de Horatio: il explique pourquoi il envoie le message de cette façon; il explique les contacts qu'il a eu et les rencontres qu'il a faites; il résume le résultat: il a trouvé une oreille compréhensive, il y a un espoir d'atteindre l'objectif de H2 sans massacrer tout un tas de gens. Il finit pas dire qu'il commence à comprendre la portée l'action de H2, et que, s'il était motivé par l'argent au début, c'est fini maintenant.

Scott5 voit le message comme un entrebâillement de la porte qui donne sur son avenir; il existe encore un espoir. Il s'engouffre dans la brèche et essaie de convaincre H2 qu'il n'a plus besoin d'une catastrophe pour se faire entendre. Scott5 redevient alerte, enjoué et brosse un portrait attrayant du futur.

Ce qui fait changer d'avis H2 de façon définitive est la personnification par Scott5 des victimes que son geste aurait provoqué: des personnes qui ne sont pour rien dans le conflit et qui souffre sans pouvoir agir. H2 devrait être capable d'atteindre son objectif sans tout ces morts. Il change d'avis, décide de se rendre et envoie un message pas radio à Port Magellan en demandant des instructions pour la suite des opérations.

dimanche 2 septembre 2007

Découpage de la fin

Avant de présenter les scènes qui vont conclure la nouvelle, il me faut revoir l'objectif de 10000 mots que j'avais fixé au départ. Il me parait clair qu'il sera dépassé car je ne vais pas pouvoir terminer en 2000 mots. Je révise donc l'objectif pour le placer à 15000 mots.

Maintenant l'histoire.

Pour que la fin que j'ai présentée dans le dernier billet soit vraiment efficace, je dois mettre l'accent sur 3 aspects distincts: le fait que H2 change d'avis (c'est ce qui rendra sa destruction injuste), le fait que le Prévôt ordonne la destruction du cargo bien qu'il sache que H2 n'est plus une menace, et enfin la conclusion sur l'utilisation du clonage dans cette société.

La quatrième scène de l'historie couvrira le premier aspect. H2 se laisse convaincre de laisser tomber ses menaces par Scott5 et Horatio. Comme une scène doit avoir plus d'un objectif, je montrerai également l'évolution de Scott5 (qui reprend espoir et redevient positif) et surtout d'Horatio qui prend fait et cause pour les clones en général et son clone en particulier. Les événements lui ont permis de relativiser la place de l'argent dans sa vie.

Le lendemain de la scène 3, Horatio envoie un message à H2 en contournant les mesures de blackout imposées par le Prévôt. Il lui dit qu'il a pris contact avec les autorités et qu'on lui a tendu une oreille pour le moins attentive. Il a bon espoir de parvenir à commencer à faire changer les mentalités concernant les clones. Scott5 entend aussi le message et saisit la balle au bond. Il essaie de convaincre H2 de renoncer. Ce dernier finit par accepter et envoie un message à Port Magellan et à Horatio pour signaler qu'il se tient à la disposition des autorités. L'argument qui fait la décision de H2 est la joie de vivre et la bonne humeur de Scott5. Et si après tout les clones pouvaient être heureux?

La cinquième scène se passe dans le bureau du Prévôt, depuis son point de vue. On le voit apprendre la décision de H2. Il n'est pas content bien que la menace ait disparue. Il confirme à son escadrille de garder sa trajectoire d'interception du cargo; elle n'est plus qu'à 15 minutes de l'objectif. Le reste de la scène le montre en train de prendre la décision de détruire quand même le cargo.

Il se souvient de son parcours qui l'a amené à l'armée quand il était tout jeune. Il y réussit une belle carrière jusqu'à ce que l'armée soit dissoute et qu'il perde son poste. Il ère pendant quelques mois (l'absence du cadre de l'armée le perturbe) et rejoint un club anti-clone car il lui rappelle la discipline et l'organisation de l'armée. Il est endoctriné. On renforce en lui l'idée que les clones sont des êtres inférieurs qui n'ont pas leur place aux côtés des humains. Ensuite, les membres le convainquent de briguer le poste de Prévôt tout en restant un membre actif du club. Il devient une taupe, une arme secrète au profit du groupe qui cherche à éliminer les clones par tous les moyens.

Par loyauté envers le club et par conviction, il finit par donner l'ordre de destruction.

La sixième scène est la conclusion de l'histoire. Elle a lieu plusieurs mois après la vaporisation du cargo dans l'espace. Horatio a fait faillite car la cargaison qu'il attendait pour renflouer ses caisses n'est jamais arrivée. Il vit dans un petit appartement grâce aux dons des clones en remerciements de ce qu'il a fait pour eux: procès du prévôt, reconnaissance constitutionnelle, clonage interdit.

Il prépare son petit déjeuner en pensant aux derniers mois lorsqu'un courrier arrive. C'est le cheque de l'assurance de la cargaison du cargo. Il peut se remettre en scelle. Comme le seul moyen vraiment fiable de gagner de l'argent est d'amener des matières premières sur Terre, le voyage dans l'espace est obligatoire. Seulement sans les clones pour faire les voyages, comment procéder? L'histoire finit sur cette question.

mardi 21 août 2007

Quelle fin?

Il faut que je mette sur pied une fin pour cette nouvelle. Je commence par faire le point. A la fin de la troisième scène, on a:

H2: Est toujours décidé à aller jusqu'au bout. Son sacrifice servira au moins à marquer les esprits et à faire avancer la place des clones dans la société. Toutefois, si une solution alternative se présentait, il opterait bien évidemment pour elle.

Scott5: Vient de se rendre compte que son existence est menacée sans qu'il ne puisse rien y faire. Comme il ne sait pas piloter, il ne peut pas neutraliser H2. Et puis il a peur que H2 le rendorme, et que son sort soit décidé alors qu'il est inconscient.

Le Prévôt: A fait décoller son escadrille d'interception pour détruire le cargo en approche si sa trajectoire de collision avec Magellan est maintenue. De son point de vue, il aura en tout cas éliminé deux clones de la surface du globe.

Horatio: Va vraisemblablement perdre la cargaison du cargo, ce qui signifie sa faillite immédiate.


Je souhaiterais que H2 atteigne son but en le payant très cher, mais sans écraser le cargo sur Magellan ou la Terre. C'est donc le Prévôt qui va détruire le cargo dans l'espace. Toutefois, lorsqu'il le fait, le vaisseau n'est plus une menace pour la Terre, et le Prévôt en est parfaitement conscient. En effet, Scott5 et Horatio réussissent à convaincre H2 qu'il existe une autre façon d'atteindre son objectif (Horatio en commençant à agir sur Terre au plan politique avec un certain succès; Scott5 en lui faisant comprendre que la vie vaut la peine d'être vécue malgré tout). H2 annonce qu'il renonce à son projet et qu'il se tient à la disposition de la justice, mais le Prévôt ne tient aucun compte du revirement de H2.

La destruction du cargo est une injustice flagrante qui, une fois révélée par Horatio, fera prendre conscience à tous que les clones sont aussi des humains. Par conséquent, ils ne seront plus utilisés comme des choses, ils obtiendront le statut d'être humain à part entière et le clonage cessera d'être utilisé. Il faudra trouver un autre moyen pour constituer les équipages des missions spatiales de longue durée.

Bon, maintenant que j'ai trouvé comment terminer l'histoire, il me faut mettre au point la façon de la raconter. Il faut que j'y réfléchisse.

dimanche 19 août 2007

Note Scène 1-2-3

H2 endort Scott5 dans la première scène pour avoir les mains libres et mettre son plan à exécution. Il le fait en injectant un produit avec un seringue. Par la suite, il conserve une seringue dans la poche pour maîtriser Scott5 après qu'il soit réveillé.

J'ai appelé le produit qu'il y a dans la seringue un anesthésique dans la première scène. Puis j'ai révisé mon jugement dans une note pour l'appeler un hypnotique. Je vais encore changer d'avis pour désigner le produit comme un narcotique.

lundi 6 août 2007

Scène 3

H2 déboucla la dernière sangle qui retenait Scott5 et s'éloigna d'une impulsion du pied. Il flotta jusqu'à la main courante qu'il agrippa sans quitter son équipier des yeux. L'imposant mineur dériva hors de son compartiment de couchage en se frictionnant les bras et en roulant des épaules.

«J'ai assez dormi pour la décennie.» Scott5 leva les yeux vers H2. «J'ai plus envie d'être inconscient pendant qu'on décide mon avenir à ma place.

—Je n'ai pas pour habitude d'imposer ma volonté aux autres, mais dans ce cas précis, je n'avais guère le choix. Je devais agir.» H2 baissa les yeux un moment puis releva la tête. «Je te répète une dernière fois: tu te tiens tranquille et je ne serai plus obligé de t'endormir. Je suis prêt à le refaire,» H2 mis la main sur la seringue qu'il gardait en permanence dans sa poche, «mais je n'y tiens pas.

—Comment tu réagirais si tu apprenais que ton coéquipier voulait précipiter le vaisseau qui te transporte sur la planète?

—Encore une fois, je ne veux pas écraser le cargo sur la Terre; je ne suis pas suicidaire. Je veux juste être entendu. Après hier, je sais qu'ils vont m'écouter, là bas sur Terre. Je vais pouvoir avancer.»

H2 ne voulait pas mourir, mais il était prêt à donner sa vie pour sa cause si nécessaire. Il ne servait toutefois à rien d'alarmer Scott5 outre mesure. Il ne voulait pas anéantir la confiance qu'il avait réussi à restaurer entre les deux hommes.

La menace d'interception qu'avait proférée le Prévôt la veille avait longtemps résonné dans son esprit. Il n'avait cessé de rechercher les suites qu'il pouvait donner à son plan jusqu'à ce que la nuit artificielle du cargo fut survenue. Sans solution, H2 était allé se coucher et à sa grande surprise, avait passé une nuit calme et reposante. Les appels de Scott5 qui voulait reprendre sa liberté l'avaient réveillé au matin. Après que H2 eut expliqué ses motivations, son plan et ses espoirs, ils arrivèrent à un accord: H2 libérerait Scott5 s'il se tenait tranquille.

Scott5 observait H2, comme s'il cherchait à entrer dans la tête du pilote pour voir ce qui s'y tramait. Le colosse pouvait décider, soit de respecter sa part de l'accord, soit de se ruer sur H2 et de le contraindre physiquement à accoster le Mercure à Magellan sans dommages. H2 se figea, toute son attention focalisée sur les mouvements de son coéquipier, prêt à utiliser la seringue si nécessaire. Les yeux du colosse s'adoucirent et son regard se perdit un long moment dans les compartiments de rangement derrière H2.

D'un mouvement brusque de la tête, Scott5 regarda de nouveau sur H2. «Ok, je coopère. Quelque part, c'est aussi dans mon intérêt, et ça pourrait bien finir, hein?

—Je ferai tout pour.» H2 se détendit. «Tu peux me croire, je n'ai pas envie de mourir.

—Bon,» Scott5 se frappa dans les mains, «maintenant, j'ai faim. Il faut que je mange quelque chose.» Il flotta vers le compartiment des réserves et en explora le contenu.

H2 le regarda passer, perplexe. Jusqu'à quel point pouvait-il lui faire confiance? La réponse était simple: il ne pouvait pas, mais il n'avait pas le choix. Comme il ne se voyait pas forcer Scott5 à dormir indéfiniment, il lui faudrait composer avec lui et rester vigilant. Le fait que Scott5 ne savait pas piloter et qu'il en avait assez de dormir rassurait H2 sur son avenir immédiat. Toutefois, la situation pouvait évoluer et forcer Scott5 à revoir ses conclusions. H2 le garderait à l'oeil.

«Il reste de ces gâteaux aux amandes?» Scott5 avait la tête à l'intérieur du compartiment. «Tu sais, ceux que j'avais mis de côté pour une occasion spéciale. Je crois que c'est le moment.

—Dans le compartiment juste au dessus, je crois.

—Ah!» Le mineur investit le casier supérieur. «Les voilà.» Il plaça le paquet sous son bras et flotta vers la réserve de boissons. Il y prit un container de lait chocolaté qu'il réhydrata, se cala les pieds dans les étriers de stabilisation les plus proches et s'attaqua aux gâteaux. Il engloutissait chaque gâteau en une bouchée, mâchait pendant quelque secondes le sourire aux lèvres, avalait, buvait une gorgée de lait chocolaté et recommençait avec un nouveau biscuit. Il avait le même air satisfait que les gamins que H2 avait pu voir pendant sa formation dans des publicités vidéos. Scott5 appréciait les plaisirs simples que sa vie de clone lui accordait; mais les apparences pouvaient être trompeuses.

La radio retentit dans le poste de pilotage. Le gâteau que tenait Scott5 resta en suspens devant sa bouche. Le colosse posa un regard interrogateur sur H2, qui se changea en espoir lorsqu'il tourna la tête vers la radio.

H2 réagit le premier et se propulsa en direction du poste de pilotage. Pendant son trajet, il avertit Scott5: «je ne veux pas que tu interfères dans la conversation, ça pourrait nuire aux négociations,» et puis surtout, il ne voulait pas donner au Prévôt un allié potentiel. «Je te demande de rester ici et de préparer ton matériel pour l'accostage à Port Magellan.

—Mais...»

Il écarta la protestation de Scott5 d'un geste de la main. «C'est mieux comme ça. Fais ce que je te dis.» Alors que Scott5 se résignait, H2 franchit le sas.

H2 s'installa à son poste. L'écran du communicateur signalait l'arrivée d'un appel vidéo et demandait son accord pour établir la ligne. Le cargo devait être assez proche de la Terre pour que ses émetteurs transmettent en vidéo, mais est-ce que le pilote devait accepter le flux vidéo? Compte tenu de l'installation du bord, H2 ne pourrait empêcher Scott5 de suivre toute la conversation, ce qui était un désavantage; d'un autre côté, il aurait l'opportunité de montrer sa détermination et de voir à qui il avait à faire. Le pilote décida d'accepter la vidéo et établit la communication.

L'écran s'illumina. Sous l'insert de contrôle qui montrait son propre visage tel que ses interlocuteurs le voyaient, H2 découvrit le buste de deux personnages côte à côte dans un bureau. Il ne connaissait pas l'homme qui se tenait à gauche mais l'uniforme lui donna à penser qu'il s'agissait du Prévôt. Celui de droite ne lui était que trop familier.

«Passé une bonne nuit?» Le Prévôt, dont H2 reconnut la voix, affichait un large sourire. Il coinça sa badine sous son bras et continua: «Pas trop de cauchemars et de rêves d'explosion?

—J'ai bien dormi, Prévôt. Arrêtez de jouer et venons-en au fait. Avez-vous transmis mes demandes à votre hiérarchie?»

Le sourire du Prévôt s'émoussa, mais ne disparut pas. «Et bien, et bien. On n'est pas de très bonne humeur ce matin. Regarde qui je t'ai amené: Horatio. Je me suis dit qu'une petite discussion avec ton original te mettrait un peu de plomb dans la tête.

—Mauvaise idée. Je n'ai pas grand chose à dire à celui qui exploite son clone comme le font tous les originaux. Envoyer sa copie faire le sale boulot à sa place pour en retirer tous les bénéfices est précisément ce qui m'a poussé à faire ce que j'ai fait, Prévôt. Vous avez une bien étrange conception de la psychologie de la négociation.

—Parle-lui quant même, pour me faire plaisir.» Le sarcasme du Prévôt souleva le coeur de H2.

Le Prévôt plaça sa main dans le dos de Horatio pour l'inviter à prendre la parole. Il ajouta un hochement de tête insistant en voyant les hésitations de l'original. Un claquement de badine sur la jambe du Prévôt finit pas le décoincer.

«Bonjour, H2.» Horatio s'essuya les mains sur son pantalon. «Tu as bien changé depuis la dernière fois. Tu n'avais pas de barbe à l'époque, et tes cheveux étaient beaucoup plus courts.

—Et alors? Je n'ai pas le droit de faire ce qui me plaît avec ma tête? Vous voulez contrôler ça aussi?

—Non, non.» Horatio agitait ses mains devant lui, les paumes vers la caméra. «On dirait juste que tu fais tout pour ne plus me ressembler.»

H2 ne répondit pas. C'était vrai. Il venait de se rendre compte que c'était exactement ce qu'il avait cherché à faire en se laissant pousser les cheveux et la barbe. Il voulait couper les ponts qui le liaient à son original, s'en éloigner le plus possible.

Horatio l'aidait involontairement car il n'avait plus grand chose à voir avec l'original qu'on lui avait appris à connaître durant sa formation. Celui qu'il avait en face de lui paraissait plus petit, cachait mal son embonpoint derrière des vêtements trop justes pour lui et respirait en faisant autant de bruit que la ventilation du bord.

H2 changea de sujet. «Qu'est-ce que vous voulez? Vous avez une proposition à me faire? Sinon, nous n'avons rien à nous dire.

—Je voulais juste m'assurer que tu avais conscience des enjeux de ce que tu es en train de faire.

—Bien sûr je suis au courant.» La vision périphérique de H2 détecta un mouvement. Il jeta un coup d'oeil et vit Scott5 qui faisait des efforts pour s'approcher du poste de pilotage sans se faire remarquer. Comme il était encore loin, H2 le laissa faire. «Ce pourrait être le début de quelque chose de grand pour les clones, une révolution.

—Je pensais surtout à la valeur du cargo et de sa cargaison. Des centaines de personnes et des milliers d'emplois dépendent de leur bon retour.» Il fit une pause et se frotta les mains. Un peu en retrait, le Prévôt le regardait avec un mélange d'incrédulité et de dégoût. Il n'intervint toutefois pas. Horatio poursuivit: «Les conséquences financières de ton acte désespéré seraient dramatiques.

—Surtout pour vous!» H2 pointa l'écran du doigt. «Tout ce qui vous intéresse c'est vos profits. Vous me dégoûtez. Et vous voulez me convaincre de renoncer? Certainement pas. Prévôt, il va vous falloir trouver autre chose.

—Attends!» Le visage de Horatio virait au rouge. Des gouttes de sueur perlaient sur son front. «C'est important. Pense aux implications...

—Ça suffit!» Le Prévôt passa devant Horatio qui, du coup, recula d'un pas. Il prit sa badine et se frappa la main. Le claquement résonna dans la pièce. Il fixa la caméra et pointa sa badine droit vers H2. «Ecoute moi bien, ersatz. Je te conseille d'arrêter tes conneries et d'arrimer gentiment ton cargo au port. Sinon, je mettrai mes menaces à exécution et j'enverrai mon escadrille faire le ménage bien avant ton arrivée à Magellan. Mon équipe décolle demain avec une mission de recherche et destruction à moins que tu changes d'avis.»

H2 ne put cacher sa surprise face à la violence des propos du Prévôt. Ils avaient dépassé le stade de la négociation subtile, en tout cas du point de vue du Prévôt. Son aversion des clones en général, et de H2 en particulier, allait bien plus loin que la crise que le pilote avait déclenchée. Il devait y avoir autre chose, un autre facteur quelque part. H2 détourna son regard de l'écran.

Scott5 s'approchait un peu plus du poste de pilotage. Il serrait dans ses mains le manifeste listant tout son matériel au point que ses articulations avaient blanchi. Son regard hésitait entre H2 et l'écran, ne s'attardant qu'une seconde ou deux à chaque fois. H2 ne pouvait lui en vouloir d'être inquiet. Avec ce qu'il venait d'entendre, il savait maintenant que deux individus voulaient détruire le cargo: H2 et le Prévôt. Son avenir ne devait pas lui sembler bien brillant.

H2 ne pouvait cependant pas se permettre d'introduire une variable supplémentaire dans l'équation. Il leva la main, paume tournée vers Scott5, pour lui ordonner de rester où il était. Scott5 se figea mais son expression ne changea pas. H2 étudia le mineur pendant quelques secondes et décida qu'il était pour l'instant sous contrôle. Il se concentra de nouveau sur l'écran de communication.

Le Prévôt avait croisé les bras en coinçant sa badine dans le creux de son coude gauche. Sa respiration était rapide, ses yeux grands ouverts par la colère. Le visage de Horatio avait gagné deux degrés sur l'échelle de la rougeur. Il regardait le Prévôt avec incrédulité. Manifestement, il n'avait pas été mis au courant de la possible destruction du cargo en haute orbite, et la perspective ne l'enchantait pas du tout. Il en avait oublié sa déférence face à l'autorité et s'était porté à la hauteur du Prévôt pour le regarder de plus près. Il y avait peut-être là une carte à jouer pour H2, à lui de trouver le meilleur moyen d'exploiter ce léger avantage. Il décida de semer une graine.

«Je ne pense pas que Horatio apprécie vraiment que vous détruisiez son cargo et sa cargaison.» H2 croisa les bras à son tour. «Après tout, c'est avec sa fortune que vous jouez.

—Que représente de l'argent face à l'intérêt de l'humanité toute entière?» Le Prévôt releva le menton. «Je vois ça comme un sacrifice pour le bien de la collectivité.

—Permettez-moi de ne pas être d'accord.» Horatio tapota l'épaule du Prévôt qui se tourna vers lui l'air contrarié. Horatio poursuivit: «Je n'aime guère qu'on parle de moi à la troisième personne, surtout quand je suis présent. Ce n'est pas un petit sacrifice que vous me demandez. Les enjeux financiers sont colossaux.

—Mais il s'agit toujours d'argent, rien d'irremplaçable.» Le Prévôt frappa sa jambe avec la badine. «On pourra toujours aller chercher une autre cargaison plus tard.

—Il y a plus que de l'argent dans ce cargo. Des milliers d'individus attendent son contenu pour obtenir l'énergie dont ils ont besoin, pour continuer de travailler, de gagner leur vie et de se procurer les équipements qui leurs sont nécessaires. C'est tout un pan de l'économie qui dépend de cette cargaison. C'est plus important que de faire un coup d'éclat sécuritaire en matant brutalement un clone qui pose des questions qui méritent d'être posées.

—Les revendications et les menaces de cette chose,» le Prévôt désigna H2 de sa badine tout en regardant Horatio, «ne sont absolument pas acceptables. Ce sont des méthodes de terroriste.»

H2 sourit en regardant son écran. Il avait réussi à retourner l'arme secrète du Prévôt contre lui. Le chef de la sécurité se retrouvait avec deux adversaires au lieu d'un. Horatio tenait à voir la cargaison arriver sur Terre; ses finances ne devaient plus être aussi saines que par le passé. S'il continuait de jouer serré, H2 pourrait retirer quelque chose de positif de cette discussion. Il continua d'observer le débat sur Terre.

Horatio faisait de grands gestes pour accompagner son discours. La timidité qu'il avait affiché au début de l'entretien avait disparu. H2 retrouva l'homme qu'il avait appris à connaître. Il savait se montrer convainquant quand ses intérêts étaient en jeu. «D'accord, les méthodes de mon clone sont discutables, mais la question de la place des copies d'humains dans notre société est réelle. Elle n'a pas été abordée jusqu'à présent, il serait peut-être temps de faire quelque chose, non? Je suis persuadé que si nous montrions un peu de bonne volonté, H2 serait prêt à revoir les conditions de ses demandes.

—Rien n'est moins sûr. On ne peut pas faire confiance à des gens qui se sacrifient pour une cause. Ce sont des fanatiques.

—Je suis persuadé du contraire.» Horatio se tourna vers la caméra. «H2, serais-tu disposé à modifier la trajectoire du cargo si on te donnait des garanties quant à la prise en compte de tes revendications?

—Il faudrait voir les détails, mais je ne suis pas contre.

—Vous voyez.» Horatio fit face au Prévôt les bras écartés. «Voilà ce que je vous propose: je me fais fort de représenter H2 devant nos institutions pour discuter de la place des clones dans notre société; en contre-partie, H2 renonce à écraser le cargo sur Magellan; et vous, vous n'allez pas le détruire dans l'espace. Qu'en dites-vous?»

H2 essaya de dissimuler ses émotions au mieux. Il ne demandait rien de plus que ce que son original venait de proposer. Il devait toutefois rester en retrait, de peur de perdre le léger avantage qu'il venait d'acquérir.

Le Prévôt restait silencieux en face de Horatio. Il devait évaluer à toute vitesse les implications de la proposition. Il croisa doucement les bras, sa badine coincée à l'intérieur de son coude.

Après une éternité, son verdict tomba: «Inacceptable.»

H2 eut l'impression de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Horatio réagit le premier. «Quoi! Et pourquoi cela, je vous prie?

—Si j'accepte vos conditions, ce sera donner le signal à tous les désespérés de la planète que la tactique de la terreur fonctionne. Nous nous retrouverons avec des dizaines de cas comme celui-ci en quelques mois. Je ne peux pas l'accepter.

—Allons! Personne d'autre que nous n'a besoin d'être au courant. La nouvelle n'est pas apparue dans les bulletins d'information et je suis certain que vous avez le pouvoir d'ordonner un black-out sur toute cette affaire. La vague de violence que vous craignez n'aura pas lieu.

—Même, je ne peux pas laisser son crime impuni.» Le Prévôt désigna H2 du pouce. «Les menaces qu'il a proférées sont punissables par la loi. Et puis je n'ai aucune garantie qu'il ne va pas jeter son cargo sur la Terre de toute façon. Je ne peux pas me permettre ce risque.

—Incroyable.» Horatio laissa retomber ses bras. «Je ne vous comprends pas. Vous avez une solution honorable à portée de main et vous ne faites aucun effort. Je suis sûr qu'il doit y avoir un moyen d'obtenir cette garantie. A nous de la trouver.

—Il n'y a pas de moyen infaillible. Le risque est inacceptable.» Le Prévôt serra un peu plus ses bras croisés comme pour se blinder un peu plus.

La porte qui s'était entrouverte quelques minutes plus tôt venait de se refermer avec fracas. H2 trouvait les arguments du Prévôt plus que douteux. Horatio était du même avis: «Pourquoi vous obstiner ainsi? C'est hallucinant d'être têtu à ce point.

—Je crois que le Prévôt a des raisons qui n'ont rien à voir avec ce qui se passe en ce moment.» H2 s'approcha de l'écran aussi loin que les sangles le lui permettaient. «Je pense qu'il a une dent contre les clones. Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, mais nous pouvons tous les deux témoigner de son aversion pour les copies d'humains.»

Le Prévôt fusilla du regard l'image de H2. Le pilote avait touché un point sensible. Horatio le regardait en secouant la tête, il avait tiré la même conclusion pour lui-même.

«Alors, que fait-on?» H2 se cala au fond de son siège. Il vit Scott5 se rapprocher un peu plus de l'écran du communicateur mais ne réagit pas. «Chacun campe sur ses positions et on va au clash?

—Ma positon ne variera pas.» Le Prévôt parlait entre ses dents. «J'ai l'avantage. Mon escadrille décolle avec ordre d'interception demain. La seule voie de sortie passe par ta reddition sans condition.

—Ce que je ne vais certainement pas accepter. Advienne que pourra.

—C'est tout?» Scott5 entra dans le champ de la camera du communicateur. Il s'adressait à la fois au Prévôt, à Horatio et à H2. «Les négociations sont terminées; il n'y a pas d'échappatoire. Le cargo sera détruit d'une façon ou d'une autre, avec tous ceux qui sont à bord.» Il regardait ses interlocuteurs en attendant une réaction, mais aucune ne vint. «Je n'ai rien à voir avec vos histoires, moi. Est-ce que quelqu'un peut me sortir de là? Est-ce que quelqu'un peut m'aider?»

Le Prévôt s'approcha de son communicateur sur son bureau, jeta un oeil sur Scott5, grogna de dérision et coupa la communication.

Le bourdonnement du cargo remplit bientôt le silence oppressant. L'atmosphère du cargo était pesante, suffocante. Scott5 regarda en direction de ses pieds avant de pivoter d'un mouvement du poignet et de se propulser vers la section principale sans un mot. Provenant de l'endroit où se trouvait le visage du colosse, une goutte d'eau traversa le poste de pilotage pour s'écraser sur l'écran du communicateur.

dimanche 22 juillet 2007

Modifications dans la troisième scène

J'ai changé d'avis.

Pas en ce qui concerne le lieu, les personnages et leurs motivations. Non, cet aspect de la troisième scène ne sera pas modifié.

Il s'agit plutôt de la séquence d'actions que je veux revoir car elle ne permet pas de montrer vraiment l'interaction entre H2 et Scott5, ce qui enlève de «l'épaisseur» aux personnages. De plus, elle me pousse dans une situation où je vais devoir commencer la scène par un grand flash-back pour situer la nouvelle relation entre H2 et Scott5, alors que c'est une technique que j'apprécie de moins en moins. Faire des allers-retours temporels dans la narration se fait toujours au détriment de l'histoire.

Pour éviter le flash-back, je vais commencer la scène à son véritable début: le moment où H2 libère Scott5. Tout le reste pourra découler de cet instant.

Action: H2 défait les liens qui entravent Scott5. Durant leur conversation on apprend: la situation de la scène dans le temps; le fait que H2 ne cherche pas à mourir; l'accord que passent H2 et Scott5; l'état d'esprit de Scott5 (vu par H2). Scott5 n'a pas mangé depuis son réveil la veille. Il a faim; il se procure de la nourriture et mange. H2 l'enjoint à mettre de l'ordre dans son équipement (preuve que H2 n'est pas suicidaire et qu'il envisage une fin heureuse), Scott5 s'exécute.

L'interaction entre H2 et Scott5 est interrompue par l'arrivée d'un appel. Il s'agit du Prévôt qui tente une communication vidéo (expliquer pourquoi c'est possible maintenant et pas avant). H2 accepte la communication. Le Prévôt introduit la personne qui l'accompagne: Horatio (description des personnages). Puis il lance la conversation. Horatio essaie de convaincre H2 de renoncer à son projet. Pendant ce temps, Scott5 essaie de s'approcher du terminal.

H2 tient tête à Horatio. Lorsque le Prévôt se rend compte que l'introduction de Horatio dans la boucle de donne pas les résultats qu'il escomptait, il réitère ses menaces de détruire le cargo dans l'espace. Scott5 s'alarme; H2 le remet à sa place. Horatio se rend compte que tout le monde en veut au cargo et à sa cargaison si précieuse pour lui. Il exprime son sentiment au Prévôt sous forme de protestation. Il propose ensuite de représenter H2 devant les autorités pour désamorcer le conflit. Malheureusement, le Prévôt s'y oppose formellement (c'est contre ses principes). La situation est complètement bloquée, tous les conflits sont ouverts. Scott5 intervient pour demander si quelqu'un pouvait faire quelque chose pour lui; tous les protagonistes se regardent sans rien dire.

samedi 14 juillet 2007

Troisième scène

Où?

Dans le cargo Mercure et dans le bureau du Prévôt par la vidéo.

Quand?

Le jour suivant les deux premières scènes. Scott5 est revenu à lui. H2 l'a laissé attaché pendant la «nuit», mais le libère le lendemain. Scott5 est désormais libre de circuler comme il le souhaite. H2 a verrouillé la console de pilotage pour l'empêcher de prendre le contrôle du cargo.

Qui?

H2, Scott5, le Prévôt et Horatio.

Agenda de chaque personnage.

H2: Il est toujours déterminé à précipiter le cargo sur le port spatial et la Terre pour forcer la révision du statut des clones dans la société humaine. Son altercation avec le Prévôt et la réalisation que ce dernier est prêt à détruire le cargo dans l'espace si H2 ne renonce pas l'ont ébranlé pendant quelques heures. Il décide toutefois que son entreprise en vaut la peine et persiste à vouloir faire progresser les droits des clones. Deux options s'offrent à lui. La première est de contourner la force armée que le Prévôt enverra à sa rencontre et quant même atteindre la planète. Réaliser ce tour de force avec un cargo lui paraît difficile, mais il est prêt à tenter le coup. La seconde option consisterait à changer complètement son fusil d'épaule et de trouver un autre moyen d'atteindre son objectif. H2 ne sait pas encore quelle option adopter.

En ce qui concerne Scott5, H2 l'a libéré après lui avoir expliqué qu'il n'était pas suicidaire, qu'il ne cherchait pas à écraser le cargo à tout prix. Ce qu'il veut, c'est obtenir des évolutions. Avec un peu de persuasion il est certain que des avancées sont possibles. Il fait à moitié confiance à Scott5 quand ce dernier lui promet de se tenir à carreau. Par conséquent, il verrouille la console de pilotage pour empêcher son partenaire de prendre le contrôle du cargo.

Scott5: Le retour à la vie consciente est un soulagement; il en a assez de toujours dormir. Après avoir paniqué au début, il a écouté ce que H2 avait à lui dire. Il n'est pas entièrement convaincu par son discours mais décide de gagner du temps en montrant un peu de compréhension pour l'action de H2. Il vaut mieux jouer la comédie en attendant une occasion qui se présentera peut-être, que de passer les dernières heures de son existence ficelé dans son compartiment de couchage. Il espère endormir la vigilance de H2 suffisamment pour pouvoir entreprendre quelque chose pour résoudre la situation et sauver sa peau.

Prévôt: Il est content de l'effet qu'a produit sa menace de détruire le cargo dans l'espace. Il est certain de donner une bonne leçon à ces sous-hommes que sont les clones. Pour enfoncer encore plus le clou, il convoque Horatio pour l'aider à raisonner H2 et le faire abandonner ses projets invraisemblables de placer les clones et les originaux sur un pied d'égalité. Le Prévôt compte sur le choque de la rencontre avec son original pour ébranler encore plus H2. Il estime qu'il ne faudra pas plus de quelques minutes pour résoudre définitivement le problème H2.

Le Prévôt interagit avec Horatio comme si ce dernier allait prendre son parti sans l'ombre d'un doute. Comme si Horatio ne pouvait qu'être d'accord, voire même admiratif, de la manière avec laquelle le Prévôt se propose de résoudre la crise. Malheureusement, lorsqu'il comprend les véritables motivations de Horatio, il déchante rapidement. Il va même jusqu'à s'opposer à une proposition de Horatio de représenter H2 pour essayer de faire entendre sa voix devant les instances politiques de la planète (hors de question que les clones s'élèvent au même rang que les originaux).

Horatio: La convocation du Prévôt le surprend et l'inquiète en même temps. Lorsque le Prévôt lui expose la situation et qu'il apprend que H2 est sur le point de précipiter le cargo Mercure sur la Terre pour d'obscures raisons politiques, Horatio voit son avenir s'envoler en fumé. Si la cargaison n'arrive pas au port, il est en faillite. Par conséquent, il coopère avec le Prévôt pour tenter de raisonner H2.

A mesure des discussions, il apparaît que H2 est toujours déterminé et que la conséquence de cette détermination est la menace de destruction préemptive du cargo. Double catastrophe pour Horatio: les demandes de H2 ne peuvent être prises en compte (elles sont de toutes façons inacceptables pour le Prévôt qui fait clairement savoir qu'il n'y aura pas d'échappatoire de ce côté), H2 veut détruire le cargo sur le Port, le Prévôt veut détruire le cargo dans l'espace. Sa faillite semble inévitable.

Action:

H2 observe Scott5 en train de contrôler et ranger ses équipements de mineur de l'espace, et se retrace mentalement le contenu des dernières heures (libération, accord avec H2). Jusqu'à l'appel du Prévôt qui veut parler à H2. La conversation se passe en vidéo car le cargo est suffisamment proche de la Terre à présent (problème de puissance de l'émetteur récepteur vidéo du cargo). Le Prévôt présente Horatio (description des deux personnages) et lance la conversation. Le Prévôt a fait appel à Horatio pour l'aider à convaincre H2 de ne pas mettre sa menace à exécution. Ce qu'Horacio tente de faire.

Description des sentiments de H2 et réitération de son obstination. Quand le Prévôt se rend compte que Horatio est sur le point d'abandonner, il intervient et précise ses menaces de destruction du cargo avant son arrivée. Scott5 rejoint dans le poste de pilotage pour suivre la conversation. H2 lui fait signe de reste hors du champ de la caméra (il ne veut pas d'une variable supplémentaire dans l'équation, ni d'un allié de plus au Prévôt). Horatio se rend compte qu'une nouvelle menace pèse sur la précieuse cargaison du cargo. Tout le monde veut détruire le cargo sauf lui.

mardi 10 juillet 2007

J'ai un problème...

Je suis en train de préparer la scène suivante. Elle devrait montrer la confrontation de H2, Horatio et le Prévôt. Malheureusement, j'ai un problème dans la trame de l'histoire car je ne sais pas comment introduire Horatio dans l'histoire.

Horatio devrait jeter un peu d'huile sur le feu du conflit entre H2 et le Prévôt. Le premier veut détruire le cargo en le précipitant sur la planète; le second veut détruire le cargo dans l'espace avant son entrée dans l'atmosphère. Horatio veut conserver le cargo entier pour toucher l'argent de la vente de la cargaison. Tout ce qu'il faut pour dynamiser l'histoire.

Mon problème est que je n'arrive pas à définir comment Horatio entre en jeu. Qui le prévient? Le Prévôt ou Horatio? Ou bien encore quelqu'un d'autre, mais qui? Il faut que je trouve la bonne façon de le faire entrer en scène.

dimanche 24 juin 2007

Scène 2

L'aspirateur résonnait dans le réduit sanitaire. Il avait commencé à faire du bruit dans la ceinture de Kuiper et les vibrations n'avaient cessé d'empirer depuis. H2 se demanda une fois de plus s'il allait tomber en panne avant la fin du voyage ou s'il allait tenir jusqu'au port. Il appréhendait de remplacer l'aspirateur de l'urinoir, il préférait laisser cette tâche aux techniciens de Magellan. Si le cargo arrivait jusque là, s'entend.

Son envie d'uriner disparut. Il se concentra pendant quelques secondes avant de finalement se soulager dans l'embout d'aspiration des toilettes. H2 poussa un long soupir de contentement à mesure que la pression sur sa vessie s'estompait. Il savait qu'il devait consommer moins de reconstituant mais il ne pouvait s'en empêcher. Quelque chose d'indéfinissable dans le goût l'attirait. Plutôt que de mener une lutte perdue d'avance, H2 succombait sans regrets et s'accommodait des inconvénients. De plus, bien que la boisson ne contenait aucun excitant, H2 avait remarqué qu'il travaillait mieux et plus vite avec du reconstituant dans son système. En l'occurrence, il lui permettait de rester concentrer sur la tâche qu'il s'était fixé pour détourner son attention de la radio.

Il s'était mis à faire l'inventaire de fin de mission du cargo. Le port Magellan avait essayé de reprendre contact avec lui après leur première conversation. Mais comme H2 ne souhaitait parler qu'avec le Prévôt, il avait décidé d'ignorer les appels du port. Néanmoins, pour supporter l'attente, il s'était mis à répertorier l'état des vivres et des équipements qui restaient dans le cargo. Il se rendait bien compte de la futilité potentielle de son entreprise, mais il voulait s'occuper l'esprit pour ne pas se mettre à gamberger.

En fin de miction, H2 poussa l'aspiration pour capturer les dernières gouttes puis éteignit l'urinoir. Il glissa ensuite les mains à travers les joints de la boîte de nettoyage où elles furent lavées et séchées en quelques secondes. Il sortit du réduit, flotta jusqu'au compartiment des vivres et attacha un nouveau container de reconstituant à sa ceinture. De nouveau paré, il fusa vers l'autre extrémité de la section principale où l'attendait son inventaire.

En passant à hauteur de Scott5, il attrapa la main courante et s'arrêta devant lui. Le colosse était toujours inconscient. H2 vérifia son pouls: il était toujours fort et régulier. Il avait dû se tromper dans la dose d'hypnotique. Il n'avait voulu que quelques heures de répit et son compagnon de voyage dormait depuis presque dix heures. Il ne devait pas être aussi lourd qu'il ne le paraissait.

Endormi, Scott5 était aussi impuissant qu'un bébé malgré sa taille et sa puissance. Il lui était impossible de se soustraire à la volonté de H2, tout comme H2 se sentait prisonnier des règles qui régissaient la vie des clones. H2 grimaça et ferma les yeux. Bon sang, il n'était même pas certain que l'existence d'un clone pouvait être appelée une vie.

Biologiquement, H2 était un homme âgé de vingt à trente ans. Chronologiquement, il vivait la onzième année depuis sa naissance. Consciemment, il n'avait vécu que deux de ces années: l'entraînement intensif après l'incubation et la récolte minière dans la ceinture de Kuiper. Il avait passé le reste du temps en suspension. Ce parcours correspondait parfaitement au style de vie pour lequel les clones étaient préparés, un style de vie que H2 avait appris à détester pendant ses recherches dans la ceinture. C'était un parcours qui n'avait rien d'enviable.

L'existence des clones commençait par une croissance accélérée d'une année en incubateur jusqu'à une maturité physique qui correspondait à un corps de vingt-cinq ans. C'était cette croissance accélérée qui rendait le coût du clonage prohibitif pour d'autres applications que le vol spatial. Puis venait l'éclosion et le travail de préparation physique qui prendrait toute l'année suivante. H2 se souvenait des heures passées à exercer une musculature mature mais qui n'avait jamais servi. Il se rappelait les machines sur lesquelles il passait le plus clair de son temps et les performances qu'il devait atteindre et dépasser chaque jour. A l'épuisement physique s'ajoutait le stress des programmes d'impression mentale qui permettaient d'apprendre rapidement ce qui était nécessaire à la mission: parler, écrire, compter, la physique élémentaire, le pilotage, etc. Ces séances avaient lieu pendant les période de repos de H2. Ce fut par ce biais qu'on lui apprit qu'il était le clone de Horatio, et qu'on lui inculqua les grandes lignes de la vie de son original. Il ne le rencontra jamais, mais par comparaison, il commença à se poser des questions sur ce qu'était une vie d'être humain.

Pris dans la tempête, H2 subit cette année du mieux qu'il put, ne se souciant que de garder la tête hors de l'eau. Son départ à bord du cargo Mercure eut lieu le jour suivant la fin de sa formation. Il rencontra Scott5 ce même jour pour la première fois. Ils passèrent les quatre années suivantes en suspension jusqu'à leur arrivée dans la ceinture de Kuiper où le travail commença véritablement. Une routine s'installa, qui lui permit de réfléchir et de prendre conscience de ce qu'il avait vécu par rapport à un humain procréé. Il prit la décision d'agir à son retour sur Terre.

H2 secoua la tête et se propulsa vers le compartiment qu'il avait commencé à inventorier avant d'aller aux toilettes. Il étendit la paille télescopique du container accroché à sa ceinture et avala plusieurs gorgées. Il récupéra la tablette où il consignait les quantités de linge et de vêtements et se remit au travail. Après quelques minutes de cette activité sans effort de concentration, son cerveau s'engourdit et bascula sur pilote automatique.

Il revint à la réalité lorsque l'appel radio arriva. Il cligna les paupières plusieurs fois, pas très sûr du temps qui s'était écoulé. «Cargo Mercure, ici le bureau du Prévôt, répondez. Répondez Mercure...» H2 coinça la tablette entre deux piles de serviettes et chaussa l'intercom qu'il avait autour du cou. «Ici le cargo Mercure, j'écoute.

—Ne quittez pas, le Prévôt va vous parler...» La voix s'éteignit pour être remplacée par des parasites. Ses mains attrapèrent de nouveau la tablette sans qu'il s'en rendît compte. Les secondes s'écoulaient lentement.

«Ici le Prévôt, identifiez-vous.» La voix sèche respirait l'autorité.

H2 se redressa emprunt du respect qu'il avait appris avant de réaliser que le Prévôt représentait l'autorité qui l'avait forcé à agir. Il se décontracta, se stabilisa à la main courante et répondit: «Je m'appelle H2. Je suis le pilote de cette mission.

—Bien H2, réglons ce malentendu rapidement, j'ai une autre affaire sur le feu.» Un claquement ponctua la phrase du Prévôt, comme si quelque chose avait frappé un morceau d'étoffe. «Qu'est-ce que c'est que cette histoire de collision avec Magellan? Oublié comment piloter un cargo? Je pensais que les clones était faits pour ça.»

H2 ferma les yeux et poussa un long soupir. Ben voyons, pensa-t-il, comme ça les originaux ne sont pas fait pour voyager dans l'espace, mais les clones oui. Passer des années en suspension n'est pas digne d'eux mais l'est des clones. Il décocha un coup de point vers les serviettes en face de lui mais retint le coup au dernier moment. Il devait se contenir pour garder sa crédibilité et rester un interlocuteur. Il ravala sa fierté pour le moment.

«Il ne s'agit pas d'une erreur de pilotage. C'est moi qui ai programmé la trajectoire de collision.

—Et pourquoi ça?» Le Prévôt termina sa phrase par un grognement. «Z'avez intérêt à avoir une bigrement bonne raison.

—La meilleure: je veux faire progresser les droits des clones. Nous devrions être considérés comme des êtres humains à part entière.»

Le Prévôt resta silencieux pendant un long moment. Un deuxième claquement se fit entendre. «Ferait beau voir que ça se produise.» Un grognement. «C'est un problème politique, faut voir ça avec les élus.

—Les clones n'ont aucun droit, pas même celui d'être représentés par un élu.

—Il doit y avoir d'autres moyens, faut vous renseigner.

—J'ai eu une année pour le faire.» H2 regarda la tablette qu'il tenait sans la voir. «Il n'y a pas de recours légal.

—C'est pas mon problème.» Un grognement suivi d'un claquement, mais cette fois le son était différent, comme une gifle. «Tout ce que je sais, c'est que vous êtes mal engagé. Le chantage et la menace ne mèneront à rien. Renoncez immédiatement avant d'aller trop loin et ne plus pouvoir faire demi-tour.»

H2 réfléchit un moment. Comment faire comprendre au Prévôt qu'il ne changerait plus d'avis? «Ecoutez Prévôt, j'ai réfléchi au problème pendant toute une année. J'ai fait et refait le tour de la question des dizaines de fois. Il n'y a pas d'alternatives. Si les droits des clones ne sont pas révisés, je percute le port et la planète. Je n'ai rien à perdre. Entre une vie au rabais et pas de vie du tout, le choix est simple.

—Bon dieu!» Une série de claquements retentit dans les écouteurs, accompagnés d'un bruit d'étoffe. Le ton du Prévôt et les claquements évoquèrent le souvenir d'un film que H2 avait visionné dans la ceinture. Il retraçait l'histoire d'un militaire, Patton si ses souvenirs étaient exacts, qui avait en permanence une badine avec lui. Il se souvint comment le héros la frappait contre sa jambe lorsqu'il était contrarié. Le son ressemblait beaucoup aux claquements que laissait passer la radio.

Le prévôt poussa un grognement. Il se mit à parler plus vite. «J'ai d'autres chats à fouetter que de m'occuper des problèmes existentiels de sous-humains.

H2 avait-il bien entendu? Des sous-humains. H2 avait appris pendant sa formation que certains groupes militaient contre le clonage en général. Ils désignaient les clones de cette expression: des sous-humains. Le Prévôt en faisait-il partie? H2 cacha son trouble du mieux qu'il put. «Ma requête est légitime. Mon action servira au moins à lancer le débat.

—La seule chose que ça va lancer,» le ton du Prévôt allait crescendo, «c'est une escadrille de chasseurs.» Il ne faisait aucun doute qu'il était à deux doigts de perdre son sang froid. «Les clones commencent à me taper sur les nerfs. Non seulement je dois enquêter sur l'explosion des générateurs du centre de croissance au cas où on en voudrait aux précieux clones,» les guillemets accompagnant le mot précieux étaient bien marqués, «mais en plus il faut que je m'occupe de toi maintenant.

—Le centre est menacé?» H2 ne réussit pas à dissimuler son inquiétude. «Quelqu'un en veut aux clones?

—Et puis après?» Le Prévôt marqua une courte pause. Il semblait reprendre le contrôle de ses émotions. Sa voix redevint posée, froide. «Il existe quelques groupes anti-clones qui sont devenus actifs ces dernières années. Leurs actions rencontrent de plus en plus le soutien de la population. Ils ne sont plus aussi impopulaires qu'à leurs débuts. Toutefois, il n'y a aucune preuve que l'explosion des générateurs du centre soit à porter à leur crédit. Si je ne perdais pas mon temps avec toi en ce moment, c'est là dessus que je serais en train d'enquêter.

—Les choses ont bien changé.» H2 finit sa phrase dans un murmure.

Le Prévôt en profita pour durcir le ton. «Si tu persistes à vouloir percuter le port pour tes revendications futiles, je lance une escadrille qui détruira le cargo avant même qu'il n'atteigne l'orbite géostationnaire.»

Détruire le cargo dans l'espace. H2 ne s'attendait pas à une pareille opposition. Il s'était préparé à de longues négociations, aux tactiques de déstabilisation des négociateurs, à quelques manoeuvres d'intimidation des autorités, mais pas une menace directe de destruction. H2 fut cueilli à froid. Il essaya de gagner un peu de temps. «Je ne vous crois pas, c'est du bluff. Vous n'avez pas les moyens de lancer une offensive si loin de la Terre.

—Comme tu disais, les choses ont bien changé. Il s'est produit deux ou trois avancées techniques depuis ton départ. Si tu penses que c'est du bluff, tente ta chance.» Le Prévôt lâcha un petit rire et frappa sa badine contre sa jambe. «Une mission réelle fera le plus grand bien à mes pilotes. Rappelles moi pour me dire que tu abandonnes.»

La communication s'interrompit et le silence du cargo écrasa les épaules de H2. Il lâcha la plaquette qui flotta en direction du poste de pilotage. Il la regarda dériver sans réagir, K.O. debout. Son plan venait de s'écrouler sur une simple phrase du Prévôt. Il devait repenser toute sa stratégie.

lundi 28 mai 2007

Note concernant la première scène

Plutôt que de corriger la scène que j'ai déjà écrite, je produis une série de notes que j'incorporerai lors de la révision final de l'histoire. Ainsi j'essaie de garder la progression de l'histoire dans le bon sens.

Remplacer les références à l'anesthésique par un produit hypnotique. C'est un produit qui induit le sommeil sans pour autant limiter l'activité musculaire comme pendant une anesthésie.

Il y en a dans le cargo pour calmer et stabiliser un membre d'équipage en cas de problème médicale du genre fracture, commotion ou lors de problèmes psychiatriques.

Deuxième scène

Où?

Dans le cargo Mercure de retour de la ceinture de Kuiper. Plus précisément dans la partie habitable du cargo constituée des trois sections cylindriques en enfilade qui hébergent le poste de pilotage, la section de vie commune et la zone où sont installées les deux stations de suspension.

Un autre lieu apparaît dans la scène, bien que ce ne soit qu'à travers la radio: le bureau du Prévôt sur Terre. C'est un grand bureau (il y a de l'écho) qui se trouve au sommet du bâtiment administratif des forces de sécurité (toutes les personnes impliquées dans les vols spatiaux connaissent l'architecture du centre administratif de sécurité), que le Prévôt occupe seul (car personne d'autre n'intervient dans la conversation).

Quand?

Le cargo est en phase finale d'approche de la Terre. La décélération est terminée. La Terre se trouve encore à 3.5 jours, on est donc 1/2 journée après la première scène.

Qui?

3 personnages sont mis en avant: H2 et Scott5 dans le cargo, le Prévôt dans son bureau sur Terre.

Agenda de chaque personnage:

Scott5: il est encore inconscient. H2 s'est sans doute trompé dans la dose d'hypnotique qu'il a injecté. Il ne voulait que l'endormir pour une heure ou deux, mais il est plus prêt de cinq. Scott5 est toutefois en bonne santé.

H2: son principal conflit avec la société n'est bien sûr pas résolu. Il ne veut plus être considéré comme un humain de deuxième catégorie mais veut obtenir le même statut que les originaux. C'est dans ce cadre qu'il va entrer en conflit direct avec le Prévôt lorsqu'il va se rendre compte que ce dernier est clonophobe. Le conflit entre H2 et Scott5 n'évoluera pas dans cette scène.

L'objectif de H2 est de convaincre les autorités de la Terre qu'il est sérieux et qu'il est capable de mettre ses menaces à exécution.

Le Prévôt: il doit résoudre la crise qui menace la Terre. Il pense que ce sera facile puisqu'il ne s'agit que d'un clone. Il cherche donc à évaluer le risque, jusqu'à quel point la menace est sérieuse. Lorsqu'elle lui apparaît comme telle, il essaie de gérer la situation et de montrer à H2 que son plan ne pourra pas fonctionner. Il cherche à le raisonner dans un premier temps, mais change rapidement de stratégie lorsqu'il réalise la détermination de H2. Il se met en colère. Résoudre ce cas va prendre plus de temps que prévu et il est déjà au milieu d'une autre affaire: une explosion louche des générateurs de la clinique où sont cultivés les clones (une action qu'il soutiendrait mais sur laquelle il doit enquêter). Il finit par montrer sa haine des clones en générale et menace à son tour de détruire le cargo dans l'espace.

Caractérisation:

H2 boit continuellement du reconstituant liquide. Par conséquent il va pisser. De plus, pendant la tranche de mission dans la ceinture de Kuiper, il a changé son apparence: il s'est laissé pousser la barbe et les cheveux. Il ne le sait pas encore, mais c'est pour ne plus ressembler à son original.

Le Prévôt est un militaire. Il fait des phrases courtes avec un vocabulaire martial. Il grogne lorsqu'il n'est pas content, il fait pas mal de sons gutturaux. De plus, il joue en permanence avec une badine qu'il frappe dans sa main, sur son bureau ou contre la jambe de son pantalon (H2 doit décoder le bruit à la radio).

Action:

H2 est en train de pisser quand la scène commence, conséquence de son addiction au reconstituant. Il en profite pour revenir sur les dernières heures: le responsable du port a essayé de la recontacté, il l'a ignoré. Il se rappelle de sa courte vie tout en sortant des chiottes, allant cherché un nouveau container de reconstituant qu'il entame immédiatement, passant devant Scott5 qui dort toujours et se remettant à l'inventaire des vivres comme si la mission se terminait normalement.

Un nouvel appelle à la radio arrive. H2 s'apprête à l'envoyer bouler quand le Prévôt se présente. H2 s'interrompt un court instant, mais essaie de continuer sa tâche tout en parlant avec le Prévôt.

Le Prévôt pose des questions pour évaluer le risque. Il demande à H2 de répéter ses revendications, essaie de le convaincre que son comportement ne tend pas à le crédibiliser auprès des autorités politiques, lui montre qu'il est plus vu comme une menace à éliminer qu'un citoyen responsable. H2 reste intraitable.

Le Prévôt essaie ensuite de lui faire se rendre compte qu'il va tuer un grand nombre de personnes. Est-il prêt à faire ça? Est-il prêt à être reconnu comme un meurtrier en masse. H2 répond qu'il s'en fiche puisqu'il sera très probablement mort, mais qu'il espère que son geste forcera la société toute entière à réfléchir au problème qu'il a soulevé.

C'est à ce moment que le Prévôt se met en colère. Devant la détermination de H2, il ne lui reste plus que la violence. Verbale d'abord. Il signal l'autre affaire. Il s'emporte, place tous les clones dans le même sac, dit qu'on aurait jamais dû se lancer dans le clonage pour commencer, que les clones n'ont pas plus de valeur que des parasites et qu'on serait mieux sans ce problème supplémentaire à gérer. Tout ça conforte la position de H2.

Le Prévôt menace alors de détruire le cargo lorsqu'il sera à portée de tir, mais encore assez loin du port spatiale. C'est une force qui a été mise en place pendant la mission de H2, il n'est pas au courant de son existence. Fin de la scène, son plan est compromis.

vendredi 18 mai 2007

Projet1, Scène 1, Seconde partie.

Il traversa la section principale sans un mouvement, passa par dessus le siège du pilote et s'y installa d'un mouvement fluide. Il décrocha le reconstituant de sa ceinture, le coinça entre les deux leviers de contrôle du ravitaillement, déploya la paille et aspira plusieurs gorgées. La fraîcheur du liquide l'aida à se détendre; Scott5 lui avait posé plus de problèmes que prévu. Il inspira à fond et boucla le harnais de sécurité de son siège. Il attrapa le casque d'intercom et le positionna sur sa tête. Une dernière respiration et il activa le canal radio du port spatial.

«Port Magellan, Port Magellan, ici le cargo Mercure370. Me recevez-vous?

—Cargo Mercure370, ici Port Magellan.» La voix du contrôleur résonna dans l'oreille de H2. «Je vous reçois fort et clair. Vous êtes en avance de trois jours sur votre plan de vol. Quelle est votre situation?

—L'équipage vient de sortir de suspension à l'instant. Pas de complications médicales à signaler.» H2 jeta un oeil sur un écran à droite. «Les moteurs de décélération ont été coupés il y a cinq heures. La trajectoire actuelle nous amènera en approche du port dans quatre jours. Les niveaux de carburant sont dans le vert, tous les systèmes sont opérationnels.

—Bien reçu Mercure. Je vous ai sur mon écran. Votre angle est correct, pas de correction nécessaire. Gardez le cap, on se recontacte dans deux jours.

—Bien reçu, Port Magellan. Pas de correction de trajectoire.» La partie facile était terminée. Les choses sérieuses allaient commencer maintenant. H2 s'éclaircit la gorge. «J'ai une requête, Port Magellan. Pouvez-vous me passer la sécurité du port?

—Ce n'est pas la procédure régulière, Mercure.

—Je sais, Port Magellan. Pouvez-vous faire une exception? C'est important.»

Le contrôleur se tut pendant de longues secondes. H2 passait en revue les autres moyens d'entrer en contact avec la sécurité du port, mais les communications depuis un cargo étaient limitées. Mieux valait convaincre le contrôleur. Alors qu'il échafaudait tout un argumentaire, le contrôleur l'interrompit.

«D'accord, Mercure. Le trafic est léger, je vais faire une exception. Restez à l'écoute.»

Le souffle de la radio remplaça la voix du contrôleur. H2 expira et reprit une respiration qu'il ne se souvenait pas avoir interrompue. De nouveau seul, sans rien d'autre à faire qu'attendre, le doute s'insinua. Alors que l'idée avait germé dans la ceinture de Kuiper, il avait redouté ce genre de situation. Il n'avait pris sa décision finale qu'au moment du retour, pour être occupé et ne pas penser aux conséquences de son plan. H2 ne voulait pas donner la moindre opportunité au doute de s'installer. Il attrapa la paille de son reconstituant et avala une longue gorgée. Il ferma les yeux et essaya de faire le vide en lui. Ses efforts ne furent pas un complet succès, mais le répit était bienvenu.

Une voix se fit entendre à la radio. «Ici la sécurité de Port Magellan, c'est quoi le problème?»

H2 sourit. Son interlocuteur était manifestement désarçonné par l'incongruité de sa requête. Il l'imagina bourru, rougeaud, engoncé dans son uniforme et mal à l'aise face au micro. H2 répondit: «Ici le cargo Mercure370. Etes-vous le chef de la sécurité du port?

—Je suis le représentant du Prévôt dans ce district. Qui êtes-vous et quelle est l'urgence? Parce qu'il s'agit bien d'une urgence n'est-ce pas?» La menace dans la voix du chef était claire.

«Je suis le clone H2, pilote du cargo. Mon responsable d'exploitation minière est le clone Scott5. En ce moment, il est ligoté et attaché dans son compartiment de couchage.

—Qu'est-ce que...

—Laissez-moi finir. Nous sommes partis il y a neuf ans en mission de collecte minière dans la ceinture de Kuiper pour le compte de Horatio, mon original. Nous venons juste d'émerger de suspension en approche finale de la Terre. Dans quatre jours, nous devrions nous arrimer à Magellan.

—D'accord, d'accord, mais pourquoi votre coéquipier est attaché?»

H2 détacha chacun de ses mots. «Je vous ai dit de me laisser finir.» Il écouta mais le chef ne dit rien. «Je vous raconte tout ça pour que vous compreniez l'existence que nous menons, nous les clones. Vous devez savoir que c'est la seule existence qui nous est permise à cause des restrictions de clonage. Je veux vous faire sentir que passer huit années en suspension et une année à collecter de la glace et de la poussière n'a rien d'enviable. Quand vous aurez compris tout ça, vous comprendrez mes revendications.»

Le chef de la sécurité ne répondit pas tout de suite. H2 l'imagina en train d'évaluer la situation le plus vite possible. Au moins, H2 avait réussi à attirer son attention. Le chef finit par parler: «Revendications? Quelles revendications?

—Je vous conseille de transmettre tout ce qui va suivre au Prévôt le plus vite possible. Je veux obtenir les mêmes droits que n'importe quel être humain. Le fait que je soit un clone n'enlève rien à ma qualité d'humain. Il n'est pas normal que les clones soient considérés comme des hommes de seconde classe dont le seul but est d'accomplir des tâches ingrates pour le bénéfice d'un original. Les clones sont les esclaves modernes, je veux nous libérer.» Tout en parlant H2 se pencha sur la console et actionna un contact puis vérifia un écran.

La voix du chef de la sécurité bourdonna dans l'écouteur. «Je ne comprends pas. Le clonage n'a été approuvé que dans le cas des voyages interplanétaires.

—Précisément. Aucun original n'accepterait de passer dix années dans l'espace, même en suspension. Il est impossible de maintenir une famille dans ces conditions. Nous les clones n'avons pas le choix et ce n'est pas normal. Je veux les mêmes droits qu'un être humain pour tous les clones.

—Le Conseil Terrestre n'acceptera jamais d'honorer une telle revendication.» Le chef laissa échapper un petit ricanement. «Je ne suis même pas certain qu'il en ait le pouvoir.»

Dans la section principale, Scott5 se mit à crier et à frapper les cloisons avec les parties libres de son corps. «Ne le laissez pas faire! Il est dingue! Venez me tirer de là!» Il avait dû entendre ce que H2 venait de dire à la radio.

H2 jeta un oeil vers la section principale mais ne put voir son coéquipier. Il déboucla son harnais, dit au chef de la sécurité qu'il allait devoir s'absenter quelques secondes et qu'il s'attendait à le retrouver à son retour, déposa son casque d'intercom et se rendit dans la section principal en vérifiant que la seringue était toujours dans sa poche.

Scott5 était ruisselant de sueur, le recyclage d'air ne parvenait pas à éliminer l'odeur de fauve de la pièce. Son visage était rouge et ses liens mordaient profondément son torse. «Qu'est-ce que tu fiches? Ça va pas? Un clone peut pas être comme un original! C'est la loi.

—Du calme, une loi ça s'adapte. Tu pourrais aussi en profiter.

—Je m'en fiche. On va finir par avoir de gros ennuis si tu continues. On pourrait être interdit de vol!

—Ça suffit! Tu te tiens tranquille, ou je t'endors.» H2 sortit la seringue de sa poche et décapuchonna l'aiguille.

«Tu peux pas faire ça! Je ne veux pas couler avec toi.» Scott5 s'agita de nouveau. «Je vais t'en empêcher.

—Alors tu ne me laisses pas le choix.» H2 attrapa le bras de son coéquipier. Il n'eut aucune peine à trouver une veine tant elles étaient saillantes. Il enfonça l'aiguille et injecta l'anesthésique. En quelques secondes, Scott5 perdit connaissance. H2 vérifia son pouls (fort et régulier) avant de repartir vers le poste de pilotage.

Il s'installa de nouveau dans le siège et replaça l'intercom sur sa tête. «Toujours là?

—Je suis là.» La voix du responsable était plus ferme. Les quelques instants d'interruption avaient dû lui permettre de faire le point. «Vos revendications n'ont aucune chance d'aboutir.

—Elles ne peuvent aboutir parce que je ne suis qu'un clone et c'est exactement pour ça que je veux faire changer les choses.» H2 s'affaira sur une autre partie de la console de pilotage.

Dans son oreille, le responsable répondit: «Non, c'est un problème politique. Le Prévôt n'a aucun pouvoir dans ce domaine. Il vous faut plutôt aller convaincre des élus et essayer de faire changer les statuts par un vote démocratique.

—J'ai un autre moyen plus rapide. Si vous consultez la télémétrie du Mercure, vous verrez que le pilote automatique n'est plus engagé. Je l'ai désactivé pour éliminer les sécurités automatiques.» H2 bascula un contrôle devant lui. «Et si vous examinez la trajectoire que je viens de programmer, vous verrez qu'elle est plus directe qu'une approche d'accostage: j'ai placé le cargo en collision avec le port spatial, l'ascenseur orbital et la planète. Si mes revendications ne sont pas prises en compte, il va y avoir beaucoup de morts. Vous avez quatre jours. Prévenez le Prévôt.»

H2 retira son casque, le jeta sur la console et se prit la tête dans les mains. Il n'était plus question de revenir en arrière maintenant.

jeudi 10 mai 2007

Projet1, Scène 1, Première Partie.

Le premier stimulus qu'il perçut fut un bourdonnement. Ensuite il devina à travers ses paupières des lumières qui dansaient devant lui. Il ouvrit les yeux. Graduellement les lumières devinrent des formes de plus en plus précises. Il ne reconnaissait pas l'endroit. Il entrouvrit la bouche et se passa la langue sur les lèvres; elles étaient sèches. Il avait l'impression d'avoir du coton dans la bouche et un goût âpre et métallique envahissait ses papilles chaque fois qu'il déglutissait une salive imaginaire. Le goût était familier mais il était incapable de le situer. Et puis il y parvint: c'était le goût induit par les drogues de suspension. Tout le reste lui revint après cela: le cargo, la ceinture de Kuiper, la Terre et surtout son plan. Il inspira profondément, expira. Si tout allait bien, il n'aurait ni à mourir, ni à tuer.

Malgré la température agréable il frissonna sur sa couchette. Il supposa que son corps lui signalait que les drogues qui avaient ralenti son métabolisme cessaient d'agir. Il retira les perfusions de ses bras et laissa flotter la tubulure au dessus de lui. Il appuya sur un contrôle et les tuyaux disparurent dans le compartiment où ils seraient stérilisés et préparés pour la prochaine suspension. Il déboucla la sangle qui maintenait son torse sur la couchette, puis enleva celle au niveau de son bassin. Aussitôt il s'éloigna doucement de la couchette mais ne fit aucun mouvement pour contrôler sa dérive. A la place il s'étira et fit quelques mouvements très lents. Il reprenait rapidement possession de son corps malgré les années passées en suspension. Lorsqu'il atteignit la paroi de la chambre de suspension, il saisit la main-courante la plus proche et se stabilisa d'un bras.

Il se trouvait au dessus de la couchette de suspension de Scott5, son unique coéquipier. Il émergerait de suspension un peu plus tard car le protocole voulait que le pilote fut réanimé le premier, le responsable minier ensuite. Scott5 donnait l'impression de dormir paisiblement. Mais son sommeil était beaucoup plus profond: ses fonctions vitales étaient tellement ralenties qu'il aurait pu passer pour mort. C'était grâce à cela que les humains pouvaient supporter les distances énormes des voyages interplanétaires. Le pilote contempla son coéquipier. Un doute commença à l'envahir, il le chassa immédiatement. La console annonçait le réveil de Scott5 dans cinq minutes; il devait se dépêcher de faire le point du cargo avant de revenir neutraliser son coéquipier.

La partie habitable du cargo avait la forme d'un cylindre divisé en trois sections. Le pilote traversa le seul sas de la section de suspension et déboucha dans la zone de vie principale. Tout le mobilier et les équipements étaient répartis sur la surface intérieure du cylindre, laissant l'axe longitudinal complètement libre. Il dériva sur toute sa longueur jusqu'au sas menant au poste de pilotage. Il le traversa et agrippa le siège du pilote face aux instruments et aux écrans de contrôle. Il attrapa la main-courante au dessus de lui et examina les cadrans.

Le vaisseau se trouvait à quatre jours de la Terre, au sortir de la phase de ralentissement, quatre ans après son départ de la ceinture de Kuiper. Le pilote consulta l'écran où était résumé le statut général du cargo. Le contrôle d'environnement était optimum et les paramètres atmosphériques acceptables. La cargaison de glace et de minerais rares avait bien supporté la descelleration et les quatre moteurs à fusion fonctionnaient au ralenti, prêts pour les dernières manoeuvres. Enfin, les niveaux de carburant étaient largement au dessus des seuils critiques. Tout allait bien, il allait pouvoir s'occuper de Scott5 avant de lancer l'exécution de son plan.

Il pivota, positionna ses pieds sur le dossier du fauteuil et donna une impulsion en direction de la section de vie commune. Il franchit le sas et flotta vers la main-courante au dessus de lui. D'un coup de poignet il changea de direction vers la réserve de nourriture. Il y prit une brique de reconstituant liquide qu'il accrocha à sa ceinture. Il flotta ensuite vers l'armoire à pharmacie sur sa gauche. Il agrippa les poignées de part et d'autre de l'armoire et plaça un pied dans un étrier au sol. Une fois stabilisé il ouvrit la pharmacie et attrapa une fiole d'anesthésique et une seringue hypodermique. Il prépara la dose pour endormir un adulte du poids de Scott5 pour une heure ou deux. Il replaça la fiole sur son étagère, recapuchonna l'aiguille, rangea la seringue dans une poche et s'orienta vers la zone de suspension. Une impulsion des deux jambes le propulsa à travers le sas. En deux changements de directions il arriva à côté de la couchette de Scott5. Il consulta l'écran de contrôle qui lui confirma que l'émergence de Scott5 était prévue dans les minutes à venir.

Il déplia la paille télescopique de son reconstituant et avala une gorgée en regardant le corps encore inerte de Scott5. Quelque part il s'en voulait de traiter son coéquipier comme il allait le faire, mais il n'avait plus le choix. Il s'apprêtait à risquer leur vie à tous les deux et à en menacer des milliers d'autres, mais il ne pouvait plus rester inactif, il devait agir. Scott5 ne pouvait pas comprendre les motivations du pilote, il était trop bien conditionné dans son rôle. Il comprendrait peut-être un jour que ce qui allait se passer était également dans son intérêt. Un signal sonore tira le pilote de ses réflexions. L'émergence de Scott5 était confirmée, il était encore inconscient mais ne tarderait pas à refaire surface. Il était temps d'agir.

Le pilote laissa échapper la paille qui se rétracta dans la brique. Il déboucla la sangle encerclant le large torse de Scott5 et la retira des passants de la couchette. Avec il encercla le torse et les bras de Scott5 au niveau des biceps et serra. Il récupéra ensuite la sangle maintenant le bassin de son coéquipier et lui attacha les mains. Enfin il mit la main sur une sangle de sa propre couchette et entrava les pieds de Scott5 au moment où il reprenait conscience.

Scott5 ouvrit les yeux et regarda autour de lui. Il vit le pilote, lui sourit et referma les yeux. Le pilote en profita pour enlever toutes les perfusions de Scott5 et s'éloigna. Scott5 ouvrit les yeux de nouveau. Il esquissa un geste du bras mais se rendit compte qu'il était attaché et qu'il flottait au dessus de sa couchette. Il regarda de nouveau le pilote, les yeux grands ouverts, complètement réveillé cette fois.

«H2, qu'est-ce que tu fous? T'es dingue? Arrête de déconner et détache-moi.

—Je ne peux pas, Scott5. J'ai quelque chose à faire et je ne veux pas que tu me gênes. Je vais t'emmener dans ton compartiment de couchage et tu vas y rester sans faire de bruit, d'accord?

—De quoi tu parles? Détache moi, j'ai pas envie de jouer.»

Scott5 s'agitait de plus en plus sous l'effet de la colère. Son visage devint tout rouge. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front et furent propulsées dans toutes les directions lorsqu'il secoua la tête en se débattant. Il poussa un cri de rage et de frustration et tira de toutes ses forces sur les liens qui le retenaient. La sangle sur sa poitrine mordait profondément dans les muscles de ses bras. Il arqua son corps d'avant en arrière pour faire bouger ses entraves sans succès. Sa masse et la suspension eurent bientôt raison de lui, il s'épuisait rapidement.

H2 en profita pour attraper Scott5 par sa tunique et se laissa dériver avec lui. Leur visage n'étaient séparés que de quelques centimètres, H2 sentait la respiration de Scott5 sur ses joues. Le gabarit impressionnant de Scott5 n'était guère un avantage en apesanteur. H2 brandit la seringue devant Scott5.

«Ecoute moi bien. Si tu ne te calmes pas, je te fais une injection qui va t'endormir pour quelques heures. Pour moi c'est la même chose. Tu te calmes et tu reste conscient, où alors tu retournes dans les bras de Morphée. Tu choisis quoi?»

Scott5 observa H2 pendant quelques secondes en évaluant la proposition. Son visage finit pas se décontracter.

«Je viens de passer les quatre dernières années à dormir, je veux rester éveillé. C'est bon, je reste calme.

—Bien.» H2 agrippa Scott5 par une sangle et l'emmena dans la section principale. Il plaça son partenaire dans son compartiment et l'y arrima. Scott5 ne quitta pas des yeux H2 pendant toute l'opération, comme s'il cherchait des réponses sur son visage.

«Qu'est-ce tu fous, H2?

—Tu verras bien.» Le pilote se retourna et fusa vers le poste de pilotage en une impulsion.

lundi 30 avril 2007

Scène d'ouverture

Où?

Dans l'espace, à l'intérieur du vaisseau cargo de retour sur Terre. Il n'y a pas de gravité artificielle. Les passagers du vaisseau sont en apesanteur et se déplacent en flottant.

Seuls trois espaces sont habitables: le poste de pilotage, la cellule qui contient les deux stations de suspension et la zone de vie principale. Maintenir des sections de vaisseau habitable coûte cher en énergie. Par conséquent le volume de chaque zone est réduit au maximum.

Les zones de suspension et de vie ont chacune la forme d'un cylindre de 3.5 mètres de diamètre et cinq mètres de longueur. Les équipements et le mobilier sont répartis sur la surface intérieure du cylindre, laissant un passage libre tout le long de l'axe longitudinal. Le poste de pilotage a la même forme mais fait seulement la moitié de la longueur des deux autres zones puisqu'il n'accueille qu'une seul personne. Les trois cylindres sont fixés les uns à la suite des autres pour former un long tube dont une extrémité, le poste de pilotage, se situe tout à l'avant du vaisseau. Les sas de séparation entre les cylindres sont toujours ouverts, donnant l'impression d'un plus grand espace de vie.

Les compartiments habitables du cargo ne représentent que 0.1% du volume total. La priorité est données aux minerais transportés, l'humain est une nuisance nécessaire.

Quand?

C'est la dernière étape du voyage de récolte de 9 ans du cargo. Les passagers sont ranimés pour accomplir les manoeuvres d'approche finale vers la Terre. Le cargo est déjà dans la phase de décélération, dans 4 jours il devrait s'arrimer au port spatial à l'extrémité de l'ascenseur orbital. On ranime d'abord le pilote, puis le responsable minier.

Qui?

H2, Scott5.

Agenda de chaque personnage:

H2 veut agir pour revendiquer les mêmes droits qu'un humain normal. Le fait qu'il soit un clone ne devrait pas limiter sa place dans la société à celle d'un outil. Il a mûrement réfléchi avant de prendre la décision d'agir. Depuis qu'il est sorti de l'incubateur 10 ans plus tôt, il n'a cessé de se poser des questions. Son seuil de tolérance étant atteint, il est obligé d'agir. Mieux vaut risquer sa vie que de vivre une existence d'esclave. H2 ne regrette pas d'emmener Scott5 dans l'aventure et de lui faire prendre les mêmes risques car après tout, il se bat pour lui aussi.

Scott5 est plus docile. Le retour signifie pour lui la fin de sa mission présente et la possibilité d'en démarrer une autre rapidement. Il est toutefois furieux du choix de H2 car il pourrait mettre fin à sa carrière. Il ne comprend que plus tard qu'il risque de mourir, c'est là qu'il pète les plombs.

Action:

H2 émerge de la suspension. Lorsqu'il reprend complètement ses esprits, il entreprend l'action qu'il a échafaudé pendant la mission dans la ceinture de Kuiper.

Il est le premier à être ranimé puisque c'est lui le pilote. Il fait un tour de la situation du vaisseau et de sa position. Satisfait, il prépare une injection d'anesthésique et attend que Scott5 émerge à son tour de la suspension (les réanimations sont décalées dans le temps). Lorsque l'émergence est confirmée mais que Scott5 est toujours inconscient, H2 lui attache les mains, les bras et les jambes. Il retire toutes les perfusions et emmène Scott5 dans la zone de vie pour le placer dans son armoire de couchage. Scott5 proteste, H2 reste déterminé. Il menace d'endormir Scott5 s'il ne se calme pas, ce dernier obtempère, ne serait-ce que pour voir ce qui va se passer.

H2 retourne dans le poste de pilotage et s'installe aux commandes. Il prend contact avec le port spatial pour confirmer que l'équipage du cargo est en état d'entamer les manoeuvres d'approche finale et que tout va bien.

Puis il entre en contact avec le responsable de la sécurité du port spatial (pas le prévôt mais un de ses subalternes). Il lui annonce ses revendications et lui demande de les faire passer à son supérieur. Il veut des droits équivalents à ceux de son original. Le responsable ne paraît pas impressionné, jusqu'au moment où H2 lui fait remarquer sa position et sa vitesse qui a cessé de décroître. Il annonce qu'il va écraser le cargo sur la Terre (dernière phrase). H2 coupe le contact brutalement.

Pendant la conversation avec la sécurité du port H2 désengage le pilote automatique du cargo (ce qui normalement ne se fait que bien plus près de la Terre). Et puis il calcule la trajectoire de collision avec le port spatial d'abord, puis la Terre. Et par dessus tout ça, il gère les réactions de Scott5 dans son compartiment de couchage. Il ne peut pas bouger, mais il peut crier, hurler ou taper sur les parois et faire un maximum de bruit. Ce qu'il fait lorsqu'il comprend les intentions de H2. Ce dernier finit par lui faire l'injection et il s'endort jusqu'à une prochaine scène.

dimanche 22 avril 2007

Mise en place de la narration

Les personnages sont définis (j'ai un bon point de départ en tout cas), la trame est plus ou moins connue (sauf la fin mais c'est volontaire), il ne reste plus qu'à décider comment raconter l'histoire.

Raconter une histoire, c'est choisir un point de départ et définir la suite de scènes qui restituera l'histoire au lecteur. Une scène est une unité de lieu et de temps durant laquelle des évènements arrivent aux personnages. Tous les évènements d'une histoire n'ont pas le même poids, il faut sélectionner lesquels montrer de façon à donner une dynamique au déroulement du récit. C'est ce que je m'apprête à faire ici.

Orson Scott Card conseille de démarrer une histoire au moment où le personnage principal comment à changer (pour Orson Card une histoire intéressante est toujours à propos d'un personnage qui souffre et qui change pour alléger sa souffrance; je souscris entièrement à cette vision et c'est pour cette raison que je cherche à engendrer des conflits dans une histoire car ils sont source de souffrance). C'est le début du changement qui donne du sens au reste du récit. D'un autre côté, selon Kurt Vonnegut, dans le cas d'une nouvelle il est préférable de commencer l'histoire le plus prêt possible de la fin.

Que faire? Le moment où H2 commence à changer n'est pas un précisément défini dans le temps. Il se forge une opinion sur sa condition sur une longue période de temps. Il ne se réveille pas un matin en se disant: «Mon statut de clone est injuste, je veux les mêmes droits qu'un original!» Je ne peux pas choisir ce moment là comme point de départ puisqu'il n'existe pas. De plus, il ne serait pas vraiment proche de la fin de l'histoire...

Je pense que je vais choisir un autre moments crucial: celui où H2 commence à agir pour obtenir ce qu'il souhaite. Au moment de l'approche finale vers la Terre, il maîtrise Scott5 et menace de crasher le cargo sur la Terre s'il n'obtient pas ce qu'il veut. Le passage à l'action de H2 est le premier changement important qui a pour but de soulager sa souffrance morale. C'est le premier pas vers un nouveau H2, un H2 que même lui ne connaît pas encore, le début d'une transformation sans certitude d'une fin heureuse et qui a toutes les chances de mal finir. Je pense que c'est un bon endroit pour démarrer l'histoire.

Ensuite il faut définir la séquence de scènes qui va raconter l'histoire. Puisque je ne connais pas encore la fin, je ne vais planifier que ce que je sais de l'histoire pour l'instant, c'est à dire l'établissement des différents conflits. La première scène (le point de départ) établit celui entre H2 et la société (il veut le même statut que les originaux, il revendique une humanité entière). Les autorités sont prévenues, et prennent en main la situation en menaçant de détruire le cargo avant son entrée dans l'atmosphère. C'est là qu'entre en scène le prévôt anti-clone, ce pourrait bien être la deuxième scène. Ensuite Horatio met son grain de sel. Il veut que sa cargaison arrive en entier sur Terre pour renflouer ses finances. Il est par conséquent en conflit à la fois avec H2 et le prévôt. La troisième scène devrait établir cette situation. Ensuite, je ne sais pas encore...

Il reste un dernier point à éclaircir concernant la technique de narration. Comment vais-je raconter chaque scène? Pour répondre, il me faut définir de quel point de vue je présenterai l'histoire. Je rejette d'emblée le point de vue omniscient (le narrateur passe d'un personnage à un autre d'un paragraphe à un autre). C'est un style trop ancien à mon goût qui ne facilite pas la création d'un lien fort entre les personnages et le lecteur. Orscon Scott Card préconise d'adopter le point de vue du personnage qui souffre le plus dans chaque scène. Dans mon histoire, j'ai 3 personnages qui souffrent (H2, Horatio et le prévôt), donc trois points de vue potentiels. Seulement je veux écrire une nouvelle, pas un roman. Je vais donc me limiter au personnage qui souffre le plus, c'est à dire H2. Toute l'histoire sera racontée de son point de vue.

Maintenant que le point de vue est fixé, il faut que je décide si j'écris un récit à la première personne ou à la troisième personne. Ecrire à la première personne suppose que le personnage est encore là pour raconter l'histoire après qu'elle se soit produite. Quelque part, c'est vendre la mèche sur la fin de l'histoire: le narrateur est toujours vivant. Comme je ne sais pas encore comment terminer et que je n'ai pas exclu que le cargo s'écrase sur Terre, je peux difficilement faire ce choix. Ce sera donc la troisième personne, du point de vue de H2.

dimanche 15 avril 2007

Le représentant de l'autorité

On ne connaît pas son nom, mais seulement son grade: Prévôt.

Il est responsable de toutes les questions de sécurité et d'ordre dans le quadrant qui comprend l'ascenseur orbital et le port spatial. Il a à sa disposition une large gamme de moyens d'intervention depuis le policier en uniforme jusqu'aux intercepteurs suborbitaux, en passant par des blindés, des sous-marins et des navires. Sa mission est de maintenir l'ordre au sein de la population de son quadrant et de se tenir prêt à repousser une menace extra-planétaire. Ses hommes sont des militaires convertis après l'abolition des conflits armés: on a recyclé les hommes et les moyens pour les confier aux prévôts.

Pour contre-balancer les pouvoirs élevés du prévôt, ses demandes d'intervention sont contresignées par le pouvoir exécutif en place. Ce n'est qu'après approbation que les moyens d'intervention sont désinhibés et peuvent servir en mission. En particulier les armes: elles sont toutes verrouillées électroniquement, depuis le simple pistolet jusqu'au missile nucléaire.

L'homme qui occupe la fonction de prévôt est autoritaire. C'est un homme de commandement avec un profile de gradé militaire. En fait, il était général avant la dissolution des forces armées. Il a brigué le poste de prévôt dès sa création et l'a obtenu sans difficultés. Il a réussi à maîtriser le jeu de la campagne électorale qui lui était pourtant étranger. Il a été aidé en cela par son charisme: aussi bien son aspect physique que le ton de sa voix respirent l'autorité.

Il a toutefois un jardin secret: il est contre le clonage. Il croit profondément que s'être lancé dans le clonage humain est une erreur fondamentale dont il faudra payer le prix à un moment (les événements de l'histoire semblent en quelques sortes lui donner raison). Il est un partisan des Puristes qui n'acceptent pas les manipulations génétiques, et encore moins le clonage. C'est un mouvement avec un vague fond religieux mais dont les véritables motivations reposent sur la prise de conscience des risques biologiques que les manipulations génétiques font prendre à toute l'humanité. Le mouvement cherche à s'attaquer par des moyens politiques aux bases légales qui ont rendu possible la création et l'utilisation des clones.

Au fil des années, son sentiment envers le clonage s'est transformé en haine des clones. Il réussit à le cacher dans son activité quotidienne de prévôt, mais lors des réunions des Puristes Eradicateurs (une petite faction extrémiste à l'intérieur du mouvement Puriste), il peut laisser parler sa haine et la partager avec des gens qui ont le même point de vue. Ensemble ils échafaudent des plans d'action pour essayer de se débarrasser des clones. Ils envisagent des moyens radicaux au cas où le front politique ne donnait rien. Ils en sont toujours au stade des préparatifs, toutefois. Aucune action n'a réellement été entreprise à ce jour.

Les Puristes Eradicateurs forment un courant discret, voire secret. Les responsables du mouvement Puriste ne sont pas au courant de son existence. A aucun moment les Eradicateurs ne se rendent pas compte du danger qu'ils représentent pour les Puristes et le reste de l'humanité. Ils sont aveuglés par leur haine, leur discernement est faussé.

lundi 9 avril 2007

Le clone coéquipier

Il s'appelle Scott5.

Il est le cinquième clone d'un spécialiste des activités minières. Les répliques précédentes ont donné entière satisfaction au cours des missions successives. Tellement satisfaisantes qu'on est arrivé à cloner cinq fois l'original, un fait exceptionnel quand on sait que le clonage multiple est déjà un événement rare en soi. Les études montrent que la raison de cette rareté est double: d'abord l'original supporte assez mal d'avoir des copies multiples en circulation. Une seule copie rend l'original suffisamment mal à l'aise pour ne pas vouloir renouveler l'expérience. Ensuite, tous les clones n'ont pas les mêmes performances, même s'ils proviennent du même original. De ce point de vue, la lignée des Scotts est l'exception qui confirme la règle.

Une entreprise représente les intérêts du Scott original. Elle se charge de placer les clones existants dans des missions et de créer de nouveaux exemplaires si nécessaire. Elle prélève une part sur les commissions qui reviennent à l'original et finance entièrement la culture des nouveaux clones. Cet arrangement est unique au monde. Il a placé l'original à la tête d'une fortune coquette.

Scott5 est particulièrement adapté aux travaux miniers dans l'espace. Sa musculature impressionnante lui permet de rester aux commandes des équipements pendant des heures à la recherche de corps célestes susceptibles d'être intéressants. Lors de son entraînement, on met en évidence ses capacités à repérer et identifier de tels objets bien avant les instruments de détection. Il peut différencier les astéroïdes de glaces des débris telluriques comme personne. Certains ne sont pas loin de relancer le débat des prédispositions génétiques, bien qu'il ait été abandonné il y a bien longtemps de peur de justifier une discrimination génétique. Heureusement, les observations montrent que la série des Scotts est le seul exemple existant d'hyper capacité inter clone.

Outre ses capacités, Scott5 fait preuve d'un caractère docile qui sied à son statut de clone. Il accepte la place que la société lui attribue sans la moindre question. Il est content de ses activités quotidiennes. Il aime relever les défis que la formation lui impose jour après jour. Durant toute son instruction, il n'a capitulé devant aucun d'entre eux. Sa qualification finale n'est une surprise pour personne.

Lorsqu'on lui annonce qu'il part le lendemain pour l'ascenseur orbital, le visage de Scott5 s'illumine comme celui d'un enfant qui découvre ses cadeaux au pied de l'arbre de Noël. Sa rencontre avec son partenaire de mission H2 se déroule bien, en grande partie parce que Scott5 a tellement envie de partir qu'il est prêt à faire toutes les concessions. H2 lui apparaît un peu trop renfermé à son goût, loin de montrer le même enthousiasme que lui pour la mission. Heureusement les préparatifs commencent tout de suite et absorbent son partenaire jusqu'au départ.

Scott5 montre toutes ses capacités pendant le travail dans la ceinture de Kuiper. Son partenaire et lui battent le record de vitesse de remplissage du cargo. En moins d'une année ils réussissent à constituer une cargaison complète. De plus, Scott5 sait que la qualité des minerais et de la glace qu'ils ramènent dépasse les spécifications qui leur ont été demandées. Encore un challenge que Scott5 remporte haut la main.

Il est un peu triste de devoir quitter la ceinture de Kuiper si vite. De toute son existence, c'est l'endroit où il s'est senti le mieux. Malheureusement, leur mission est terminée, ils doivent rentrer sur Terre. Durant les dernières semaines, il a vu H2 se renfermer de plus en plus sur lui-même. Il donne l'impression d'être sur le point d'exploser à tout moment. Scott5 limite donc au maximum ses contacts avec lui, il accueille même avec joie la mise en caisson de suspension pour le voyage de retour. Il ne comprend pas ce qui arrive à H2. Il met son comportement sur une sorte de mal de l'espace. Comment peut-on se sentir si mal quand on a une activité aussi passionnante que la leur? A leur retour, Scott5 espère bien repartir le plus vite possible pour une autre mission comme celle-ci.

dimanche 8 avril 2007

Le clone rebelle

Il a été baptisé H2 à sa sortie d'incubateur. C'est le diminutif de Horatio 2.

H2 émerge de son incubateur une année après le prélèvement de cellule sur Horatio et la réception du financement couvrant sa culture. En 12 mois, il est passé de l'état de cellule à celui d'un adulte d'une vingtaine d'années complètement formé. Une vitesse de croissance aussi rapide trahit les motivations militaires initiales de cette technologie. Avec un délai court, il est possible de renouveler rapidement une armée. Toutefois, à la suite du vote de la charte mondiale abolissant les conflits armés, d'autres applications ont été trouvées du côté des missions spatiales.

L'entraînement physique commence deux jours après l'éclosion. La musculature obtenue en incubateur n'a jamais servi. Le seul moyen de lui donner de la tonicité est de la mettre au travail avec des exercices physiques intenses. Pendant les périodes de repos, il reçoit une formation poussée dans le cadre de la mission qui lui sera confiée. En l'occurrence, il suit des cours de navigation stellaire, de pilotage de cargo spatial, de manipulation des équipements miniers, etc. Un sujet sensible fait aussi partie de son instruction: le fait qu'il soit le clone d'une personne qui a sa place dans la société. On le met au courant de qui est son original, ce qu'il fait, son histoire, son héritage. C'est ainsi qu'il apprend à connaître Horatio par procuration. Toute cette préparation accélérée dure près d'une année.

L'instruction est intense. H2 n'a pas beaucoup de temps à lui pour véritablement prendre conscience de ce qui lui arrive. Il est pris dans une tourmente qu'il ne maîtrise pas et emploie toute son énergie à surnager. Quand les choses se seront un peu calmées, il évaluera sa situation avec sang froid. Malheureusement, le répit ne vient pas. Chaque jour est consacré à sa formation et à son entraînement, jusqu'à la validation de ses nouvelles aptitudes. Là encore, aucune pause. Il est conduit le lendemain à l'ascenseur orbital qui l'emmène au port spatial en orbite géostationnaire. Le vaisseau cargo qui lui a été confié pour la durée de la mission l'y attend. Il rencontre son coéquipier pour la première fois devant le sas d'accès au cargo. Trois jours plus tard, les moteurs à fusion sont enclenchés et ils partent pour leur mission minière dans la ceinture de Kuiper. Le retour est prévu dans dix ans.

H2 et son coéquipier passeront les neuf dixièmes de la mission en caisson de suspension, lorsque le cargo se situera entre la ceinture et la Terre. En attendant la suspension, son coéquipier et lui doivent s'assurer que la trajectoire est bien lancée et que tous les équipements sont opérationnels. Ces tâches leur laissent pas mal de temps libre, ce sont les premières heures de calme pour H2.

C'est alors qu'il réalise que le traitement qu'il a subi ne serait jamais imposé à un original. Les clones ne sont pas considérés comme des êtres humains à part entière. Ils appartiennent à leur original qui a tous les droits sur eux, comme un animal de compagnie (un héritage de la législation des débuts du clonage militaire.)

Puis vient le moment du séjour en caisson. Les 4 années qu'il y passe ne le font vieillir que de quelques semaines. Quand il est réveillé pour commencer la prospection minière dans les débris de la ceinture, il a l'impression qu'une seule journée a passé. Les questions qu'ils se posaient sont toujours là mais il n'a guère le temps de s'y consacrer tellement il est absorbé par ses tâches minières.

C'est pendant les semaines de préparatifs au retour qu'il repense à sa situation. Après discussion avec son partenaire, il a découvert que les originaux sont rarement les financiers. D'habitude les clones sont des répliques des spécialistes du domaine, mais pas lui. C'est un choix égoïste qui ne fait qu'illustrer l'extraordinaire vanité de son original. Une telle arrogance le souffle. Ce qui mine H2 encore plus, c'est qu'il se tue à la tâche pour un tel personnage. Il n'est même pas certain de continuer de vivre au retour de mission. Son original est du genre à se débarrasser de lui lorsqu'il s'apercevra qu'avoir un clone ne l'intéresse plus, ou qu'un clone ne prolonge pas sa vie à lui. H2 n'aura pas droit à plus de considération qu'une expérience à moitié réussie.

Au moment de la suspension pour le voyage de retour, sa décision est prise: il lui faut trouver le moyen de changer les choses. Il ne veut plus n'être qu'un clone. Il veut pouvoir bénéficier de son travail, avoir une vie indépendante de son original.