dimanche 1 avril 2007

Portrait de l'original

Il s'appelle Horatio.

Il a de sérieux problèmes au moment du début de l'histoire. Si le chargement n'atteint pas la Terre, la faillite est certaine. De plus, comme il ne fait pas de différence entre sa vie privée et sa société d'investissement, la faillite serait prononcée à la fois pour son entreprise et pour lui à titre personnel. Ce serait également la fin de sa relation avec Désirée, la femme bibelot qu'il entretient à grands frais. Elle lui permet d'asseoir sa position sociale car elle est la plus belle et la plus onéreuse sur le marché. Elle est toutefois impitoyable. Elle ne reste avec lui que parce qu'il peut se le permettre. Elle le quittera au moment où sa situation financière ne serait plus favorable. Elle ira monnayer sa beauté ailleurs.

Il a bâti sa fortune en effectuant des investissements risqués mais très rentables dans divers projets. Prendre des risques ne lui fait pas peur. Il sait que les meilleurs rendements accompagnent toujours les risques. Il s'est donc lancé dans des projets jugés trop incertains par ses pairs. Parfois le risque a payé, parfois il lui a coûté pas mal d'argent. Dans l'ensemble, il a plus souvent gagné que perdu à ce jeu. Et puis ce qui compte, c'est l'incertitude de l'attente et le frisson de la victoire lorsqu'un projet aboutit. Il cherche par tous les moyens à rendre son existence intéressante.

Cette philosophie a amené Horatio dans des projets hors norme. Créer de l'énergie à partir d'êtres vivants non-unicellulaires par exemple. Utiliser des êtres plus gros (des petits mammifères par exemple), devait permettre de dépasser les résultats des bactéries traditionnelles. Le rendement devait exploser avec l'avantage que les mammifères sont moins fragiles que les bactéries. Horatio a également investi dans une technique de production de chaleur par des forages à grande profondeur, jusqu'au manteau de la planète. Et puis il y a aussi eu le programme de rajeunissement qu'il a soutenu, probablement à cause de sa peur de la mort, de sa mort.

Son coup le plus ambitieux a été de faire partie des investisseurs qui ont accepté la proposition du gouvernement planétaire de récolte dans le système solaire de matériaux indisponibles sur Terre. Le gouvernement cédait des droits d'utilisation des vaisseaux de sa flotte à ceux qui étaient prêts à financer l'affrètement d'un vaisseau. L'équipage serait formé de clones qui seraient cultivés grâce aux équipements du gouvernement, aux frais des candidats. Le clonage constitue le moyen de ne pas ruiner la vie sociale des spationautes en partance pour un voyage d'une décennie. Mais comme la technique est toute récente et qu'elle pose de nombreux problèmes éthiques, elle est réservée à cette utilisation exclusive. Ce qui fait qu'elle n'est absolument pas bon marché. Pour motiver les investisseurs, le gouvernement leur accordait une commission sur la vente de la cargaison au retour du vaisseau, commission substantielle compte tenu de la rareté des matériaux. Ce genre de loterie avait tout pour attirer Horatio qui a été l'un des premiers à s'inscrire pour un vaisseau et se faire cloner.

Pendant que son clone gagnait de l'argent pour lui, il a vécu avec le plus de classe possible, il a investi lorsque les propositions étaient intéressantes et encaissé les dividendes avec triomphe. Du moins pendant les deux premières années. Ensuite, sa chance (ou son flair) ont commencé à le lâcher. D'abord le projet des mammifères fournisseurs d'énergie a été jugé anti-éthique, interdit et les investisseurs ont été punis par de grosses amendes. Puis les forages à grandes profondeurs ont eux aussi été abandonnés. Ils étaient bien partis mais une série d'accidents dramatiques ont mis en évidence les risques énormes que prenaient les hommes et la planète (la création d'un volcan ne crée pas de profits). Quand au programme de rajeunissement, il n'a jamais rien donné alors qu'il lui a coûté une bonne partie de sa fortune.

Horatio est devenu frileux ces deux dernières années. En fait, il n'a plus les moyens de prendre des risques. Aujourd'hui, il gère sa fortune de façon à conserver son train de vie et Désirée, mais il n'est plus en mesure de débloquer suffisamment de fonds pour entreprendre le moindre investissement d'envergure qui rapporte gros. Désirée semble s'en être rendue compte et le force à faire des dépenses démentielles pour le faire craquer. Il lui faut des capitaux rapidement, le vaisseau et sa cargaison doivent arriver sur Terre pour lui permettre de se relancer.

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