lundi 30 avril 2007

Scène d'ouverture

Où?

Dans l'espace, à l'intérieur du vaisseau cargo de retour sur Terre. Il n'y a pas de gravité artificielle. Les passagers du vaisseau sont en apesanteur et se déplacent en flottant.

Seuls trois espaces sont habitables: le poste de pilotage, la cellule qui contient les deux stations de suspension et la zone de vie principale. Maintenir des sections de vaisseau habitable coûte cher en énergie. Par conséquent le volume de chaque zone est réduit au maximum.

Les zones de suspension et de vie ont chacune la forme d'un cylindre de 3.5 mètres de diamètre et cinq mètres de longueur. Les équipements et le mobilier sont répartis sur la surface intérieure du cylindre, laissant un passage libre tout le long de l'axe longitudinal. Le poste de pilotage a la même forme mais fait seulement la moitié de la longueur des deux autres zones puisqu'il n'accueille qu'une seul personne. Les trois cylindres sont fixés les uns à la suite des autres pour former un long tube dont une extrémité, le poste de pilotage, se situe tout à l'avant du vaisseau. Les sas de séparation entre les cylindres sont toujours ouverts, donnant l'impression d'un plus grand espace de vie.

Les compartiments habitables du cargo ne représentent que 0.1% du volume total. La priorité est données aux minerais transportés, l'humain est une nuisance nécessaire.

Quand?

C'est la dernière étape du voyage de récolte de 9 ans du cargo. Les passagers sont ranimés pour accomplir les manoeuvres d'approche finale vers la Terre. Le cargo est déjà dans la phase de décélération, dans 4 jours il devrait s'arrimer au port spatial à l'extrémité de l'ascenseur orbital. On ranime d'abord le pilote, puis le responsable minier.

Qui?

H2, Scott5.

Agenda de chaque personnage:

H2 veut agir pour revendiquer les mêmes droits qu'un humain normal. Le fait qu'il soit un clone ne devrait pas limiter sa place dans la société à celle d'un outil. Il a mûrement réfléchi avant de prendre la décision d'agir. Depuis qu'il est sorti de l'incubateur 10 ans plus tôt, il n'a cessé de se poser des questions. Son seuil de tolérance étant atteint, il est obligé d'agir. Mieux vaut risquer sa vie que de vivre une existence d'esclave. H2 ne regrette pas d'emmener Scott5 dans l'aventure et de lui faire prendre les mêmes risques car après tout, il se bat pour lui aussi.

Scott5 est plus docile. Le retour signifie pour lui la fin de sa mission présente et la possibilité d'en démarrer une autre rapidement. Il est toutefois furieux du choix de H2 car il pourrait mettre fin à sa carrière. Il ne comprend que plus tard qu'il risque de mourir, c'est là qu'il pète les plombs.

Action:

H2 émerge de la suspension. Lorsqu'il reprend complètement ses esprits, il entreprend l'action qu'il a échafaudé pendant la mission dans la ceinture de Kuiper.

Il est le premier à être ranimé puisque c'est lui le pilote. Il fait un tour de la situation du vaisseau et de sa position. Satisfait, il prépare une injection d'anesthésique et attend que Scott5 émerge à son tour de la suspension (les réanimations sont décalées dans le temps). Lorsque l'émergence est confirmée mais que Scott5 est toujours inconscient, H2 lui attache les mains, les bras et les jambes. Il retire toutes les perfusions et emmène Scott5 dans la zone de vie pour le placer dans son armoire de couchage. Scott5 proteste, H2 reste déterminé. Il menace d'endormir Scott5 s'il ne se calme pas, ce dernier obtempère, ne serait-ce que pour voir ce qui va se passer.

H2 retourne dans le poste de pilotage et s'installe aux commandes. Il prend contact avec le port spatial pour confirmer que l'équipage du cargo est en état d'entamer les manoeuvres d'approche finale et que tout va bien.

Puis il entre en contact avec le responsable de la sécurité du port spatial (pas le prévôt mais un de ses subalternes). Il lui annonce ses revendications et lui demande de les faire passer à son supérieur. Il veut des droits équivalents à ceux de son original. Le responsable ne paraît pas impressionné, jusqu'au moment où H2 lui fait remarquer sa position et sa vitesse qui a cessé de décroître. Il annonce qu'il va écraser le cargo sur la Terre (dernière phrase). H2 coupe le contact brutalement.

Pendant la conversation avec la sécurité du port H2 désengage le pilote automatique du cargo (ce qui normalement ne se fait que bien plus près de la Terre). Et puis il calcule la trajectoire de collision avec le port spatial d'abord, puis la Terre. Et par dessus tout ça, il gère les réactions de Scott5 dans son compartiment de couchage. Il ne peut pas bouger, mais il peut crier, hurler ou taper sur les parois et faire un maximum de bruit. Ce qu'il fait lorsqu'il comprend les intentions de H2. Ce dernier finit par lui faire l'injection et il s'endort jusqu'à une prochaine scène.

dimanche 22 avril 2007

Mise en place de la narration

Les personnages sont définis (j'ai un bon point de départ en tout cas), la trame est plus ou moins connue (sauf la fin mais c'est volontaire), il ne reste plus qu'à décider comment raconter l'histoire.

Raconter une histoire, c'est choisir un point de départ et définir la suite de scènes qui restituera l'histoire au lecteur. Une scène est une unité de lieu et de temps durant laquelle des évènements arrivent aux personnages. Tous les évènements d'une histoire n'ont pas le même poids, il faut sélectionner lesquels montrer de façon à donner une dynamique au déroulement du récit. C'est ce que je m'apprête à faire ici.

Orson Scott Card conseille de démarrer une histoire au moment où le personnage principal comment à changer (pour Orson Card une histoire intéressante est toujours à propos d'un personnage qui souffre et qui change pour alléger sa souffrance; je souscris entièrement à cette vision et c'est pour cette raison que je cherche à engendrer des conflits dans une histoire car ils sont source de souffrance). C'est le début du changement qui donne du sens au reste du récit. D'un autre côté, selon Kurt Vonnegut, dans le cas d'une nouvelle il est préférable de commencer l'histoire le plus prêt possible de la fin.

Que faire? Le moment où H2 commence à changer n'est pas un précisément défini dans le temps. Il se forge une opinion sur sa condition sur une longue période de temps. Il ne se réveille pas un matin en se disant: «Mon statut de clone est injuste, je veux les mêmes droits qu'un original!» Je ne peux pas choisir ce moment là comme point de départ puisqu'il n'existe pas. De plus, il ne serait pas vraiment proche de la fin de l'histoire...

Je pense que je vais choisir un autre moments crucial: celui où H2 commence à agir pour obtenir ce qu'il souhaite. Au moment de l'approche finale vers la Terre, il maîtrise Scott5 et menace de crasher le cargo sur la Terre s'il n'obtient pas ce qu'il veut. Le passage à l'action de H2 est le premier changement important qui a pour but de soulager sa souffrance morale. C'est le premier pas vers un nouveau H2, un H2 que même lui ne connaît pas encore, le début d'une transformation sans certitude d'une fin heureuse et qui a toutes les chances de mal finir. Je pense que c'est un bon endroit pour démarrer l'histoire.

Ensuite il faut définir la séquence de scènes qui va raconter l'histoire. Puisque je ne connais pas encore la fin, je ne vais planifier que ce que je sais de l'histoire pour l'instant, c'est à dire l'établissement des différents conflits. La première scène (le point de départ) établit celui entre H2 et la société (il veut le même statut que les originaux, il revendique une humanité entière). Les autorités sont prévenues, et prennent en main la situation en menaçant de détruire le cargo avant son entrée dans l'atmosphère. C'est là qu'entre en scène le prévôt anti-clone, ce pourrait bien être la deuxième scène. Ensuite Horatio met son grain de sel. Il veut que sa cargaison arrive en entier sur Terre pour renflouer ses finances. Il est par conséquent en conflit à la fois avec H2 et le prévôt. La troisième scène devrait établir cette situation. Ensuite, je ne sais pas encore...

Il reste un dernier point à éclaircir concernant la technique de narration. Comment vais-je raconter chaque scène? Pour répondre, il me faut définir de quel point de vue je présenterai l'histoire. Je rejette d'emblée le point de vue omniscient (le narrateur passe d'un personnage à un autre d'un paragraphe à un autre). C'est un style trop ancien à mon goût qui ne facilite pas la création d'un lien fort entre les personnages et le lecteur. Orscon Scott Card préconise d'adopter le point de vue du personnage qui souffre le plus dans chaque scène. Dans mon histoire, j'ai 3 personnages qui souffrent (H2, Horatio et le prévôt), donc trois points de vue potentiels. Seulement je veux écrire une nouvelle, pas un roman. Je vais donc me limiter au personnage qui souffre le plus, c'est à dire H2. Toute l'histoire sera racontée de son point de vue.

Maintenant que le point de vue est fixé, il faut que je décide si j'écris un récit à la première personne ou à la troisième personne. Ecrire à la première personne suppose que le personnage est encore là pour raconter l'histoire après qu'elle se soit produite. Quelque part, c'est vendre la mèche sur la fin de l'histoire: le narrateur est toujours vivant. Comme je ne sais pas encore comment terminer et que je n'ai pas exclu que le cargo s'écrase sur Terre, je peux difficilement faire ce choix. Ce sera donc la troisième personne, du point de vue de H2.

dimanche 15 avril 2007

Le représentant de l'autorité

On ne connaît pas son nom, mais seulement son grade: Prévôt.

Il est responsable de toutes les questions de sécurité et d'ordre dans le quadrant qui comprend l'ascenseur orbital et le port spatial. Il a à sa disposition une large gamme de moyens d'intervention depuis le policier en uniforme jusqu'aux intercepteurs suborbitaux, en passant par des blindés, des sous-marins et des navires. Sa mission est de maintenir l'ordre au sein de la population de son quadrant et de se tenir prêt à repousser une menace extra-planétaire. Ses hommes sont des militaires convertis après l'abolition des conflits armés: on a recyclé les hommes et les moyens pour les confier aux prévôts.

Pour contre-balancer les pouvoirs élevés du prévôt, ses demandes d'intervention sont contresignées par le pouvoir exécutif en place. Ce n'est qu'après approbation que les moyens d'intervention sont désinhibés et peuvent servir en mission. En particulier les armes: elles sont toutes verrouillées électroniquement, depuis le simple pistolet jusqu'au missile nucléaire.

L'homme qui occupe la fonction de prévôt est autoritaire. C'est un homme de commandement avec un profile de gradé militaire. En fait, il était général avant la dissolution des forces armées. Il a brigué le poste de prévôt dès sa création et l'a obtenu sans difficultés. Il a réussi à maîtriser le jeu de la campagne électorale qui lui était pourtant étranger. Il a été aidé en cela par son charisme: aussi bien son aspect physique que le ton de sa voix respirent l'autorité.

Il a toutefois un jardin secret: il est contre le clonage. Il croit profondément que s'être lancé dans le clonage humain est une erreur fondamentale dont il faudra payer le prix à un moment (les événements de l'histoire semblent en quelques sortes lui donner raison). Il est un partisan des Puristes qui n'acceptent pas les manipulations génétiques, et encore moins le clonage. C'est un mouvement avec un vague fond religieux mais dont les véritables motivations reposent sur la prise de conscience des risques biologiques que les manipulations génétiques font prendre à toute l'humanité. Le mouvement cherche à s'attaquer par des moyens politiques aux bases légales qui ont rendu possible la création et l'utilisation des clones.

Au fil des années, son sentiment envers le clonage s'est transformé en haine des clones. Il réussit à le cacher dans son activité quotidienne de prévôt, mais lors des réunions des Puristes Eradicateurs (une petite faction extrémiste à l'intérieur du mouvement Puriste), il peut laisser parler sa haine et la partager avec des gens qui ont le même point de vue. Ensemble ils échafaudent des plans d'action pour essayer de se débarrasser des clones. Ils envisagent des moyens radicaux au cas où le front politique ne donnait rien. Ils en sont toujours au stade des préparatifs, toutefois. Aucune action n'a réellement été entreprise à ce jour.

Les Puristes Eradicateurs forment un courant discret, voire secret. Les responsables du mouvement Puriste ne sont pas au courant de son existence. A aucun moment les Eradicateurs ne se rendent pas compte du danger qu'ils représentent pour les Puristes et le reste de l'humanité. Ils sont aveuglés par leur haine, leur discernement est faussé.

lundi 9 avril 2007

Le clone coéquipier

Il s'appelle Scott5.

Il est le cinquième clone d'un spécialiste des activités minières. Les répliques précédentes ont donné entière satisfaction au cours des missions successives. Tellement satisfaisantes qu'on est arrivé à cloner cinq fois l'original, un fait exceptionnel quand on sait que le clonage multiple est déjà un événement rare en soi. Les études montrent que la raison de cette rareté est double: d'abord l'original supporte assez mal d'avoir des copies multiples en circulation. Une seule copie rend l'original suffisamment mal à l'aise pour ne pas vouloir renouveler l'expérience. Ensuite, tous les clones n'ont pas les mêmes performances, même s'ils proviennent du même original. De ce point de vue, la lignée des Scotts est l'exception qui confirme la règle.

Une entreprise représente les intérêts du Scott original. Elle se charge de placer les clones existants dans des missions et de créer de nouveaux exemplaires si nécessaire. Elle prélève une part sur les commissions qui reviennent à l'original et finance entièrement la culture des nouveaux clones. Cet arrangement est unique au monde. Il a placé l'original à la tête d'une fortune coquette.

Scott5 est particulièrement adapté aux travaux miniers dans l'espace. Sa musculature impressionnante lui permet de rester aux commandes des équipements pendant des heures à la recherche de corps célestes susceptibles d'être intéressants. Lors de son entraînement, on met en évidence ses capacités à repérer et identifier de tels objets bien avant les instruments de détection. Il peut différencier les astéroïdes de glaces des débris telluriques comme personne. Certains ne sont pas loin de relancer le débat des prédispositions génétiques, bien qu'il ait été abandonné il y a bien longtemps de peur de justifier une discrimination génétique. Heureusement, les observations montrent que la série des Scotts est le seul exemple existant d'hyper capacité inter clone.

Outre ses capacités, Scott5 fait preuve d'un caractère docile qui sied à son statut de clone. Il accepte la place que la société lui attribue sans la moindre question. Il est content de ses activités quotidiennes. Il aime relever les défis que la formation lui impose jour après jour. Durant toute son instruction, il n'a capitulé devant aucun d'entre eux. Sa qualification finale n'est une surprise pour personne.

Lorsqu'on lui annonce qu'il part le lendemain pour l'ascenseur orbital, le visage de Scott5 s'illumine comme celui d'un enfant qui découvre ses cadeaux au pied de l'arbre de Noël. Sa rencontre avec son partenaire de mission H2 se déroule bien, en grande partie parce que Scott5 a tellement envie de partir qu'il est prêt à faire toutes les concessions. H2 lui apparaît un peu trop renfermé à son goût, loin de montrer le même enthousiasme que lui pour la mission. Heureusement les préparatifs commencent tout de suite et absorbent son partenaire jusqu'au départ.

Scott5 montre toutes ses capacités pendant le travail dans la ceinture de Kuiper. Son partenaire et lui battent le record de vitesse de remplissage du cargo. En moins d'une année ils réussissent à constituer une cargaison complète. De plus, Scott5 sait que la qualité des minerais et de la glace qu'ils ramènent dépasse les spécifications qui leur ont été demandées. Encore un challenge que Scott5 remporte haut la main.

Il est un peu triste de devoir quitter la ceinture de Kuiper si vite. De toute son existence, c'est l'endroit où il s'est senti le mieux. Malheureusement, leur mission est terminée, ils doivent rentrer sur Terre. Durant les dernières semaines, il a vu H2 se renfermer de plus en plus sur lui-même. Il donne l'impression d'être sur le point d'exploser à tout moment. Scott5 limite donc au maximum ses contacts avec lui, il accueille même avec joie la mise en caisson de suspension pour le voyage de retour. Il ne comprend pas ce qui arrive à H2. Il met son comportement sur une sorte de mal de l'espace. Comment peut-on se sentir si mal quand on a une activité aussi passionnante que la leur? A leur retour, Scott5 espère bien repartir le plus vite possible pour une autre mission comme celle-ci.

dimanche 8 avril 2007

Le clone rebelle

Il a été baptisé H2 à sa sortie d'incubateur. C'est le diminutif de Horatio 2.

H2 émerge de son incubateur une année après le prélèvement de cellule sur Horatio et la réception du financement couvrant sa culture. En 12 mois, il est passé de l'état de cellule à celui d'un adulte d'une vingtaine d'années complètement formé. Une vitesse de croissance aussi rapide trahit les motivations militaires initiales de cette technologie. Avec un délai court, il est possible de renouveler rapidement une armée. Toutefois, à la suite du vote de la charte mondiale abolissant les conflits armés, d'autres applications ont été trouvées du côté des missions spatiales.

L'entraînement physique commence deux jours après l'éclosion. La musculature obtenue en incubateur n'a jamais servi. Le seul moyen de lui donner de la tonicité est de la mettre au travail avec des exercices physiques intenses. Pendant les périodes de repos, il reçoit une formation poussée dans le cadre de la mission qui lui sera confiée. En l'occurrence, il suit des cours de navigation stellaire, de pilotage de cargo spatial, de manipulation des équipements miniers, etc. Un sujet sensible fait aussi partie de son instruction: le fait qu'il soit le clone d'une personne qui a sa place dans la société. On le met au courant de qui est son original, ce qu'il fait, son histoire, son héritage. C'est ainsi qu'il apprend à connaître Horatio par procuration. Toute cette préparation accélérée dure près d'une année.

L'instruction est intense. H2 n'a pas beaucoup de temps à lui pour véritablement prendre conscience de ce qui lui arrive. Il est pris dans une tourmente qu'il ne maîtrise pas et emploie toute son énergie à surnager. Quand les choses se seront un peu calmées, il évaluera sa situation avec sang froid. Malheureusement, le répit ne vient pas. Chaque jour est consacré à sa formation et à son entraînement, jusqu'à la validation de ses nouvelles aptitudes. Là encore, aucune pause. Il est conduit le lendemain à l'ascenseur orbital qui l'emmène au port spatial en orbite géostationnaire. Le vaisseau cargo qui lui a été confié pour la durée de la mission l'y attend. Il rencontre son coéquipier pour la première fois devant le sas d'accès au cargo. Trois jours plus tard, les moteurs à fusion sont enclenchés et ils partent pour leur mission minière dans la ceinture de Kuiper. Le retour est prévu dans dix ans.

H2 et son coéquipier passeront les neuf dixièmes de la mission en caisson de suspension, lorsque le cargo se situera entre la ceinture et la Terre. En attendant la suspension, son coéquipier et lui doivent s'assurer que la trajectoire est bien lancée et que tous les équipements sont opérationnels. Ces tâches leur laissent pas mal de temps libre, ce sont les premières heures de calme pour H2.

C'est alors qu'il réalise que le traitement qu'il a subi ne serait jamais imposé à un original. Les clones ne sont pas considérés comme des êtres humains à part entière. Ils appartiennent à leur original qui a tous les droits sur eux, comme un animal de compagnie (un héritage de la législation des débuts du clonage militaire.)

Puis vient le moment du séjour en caisson. Les 4 années qu'il y passe ne le font vieillir que de quelques semaines. Quand il est réveillé pour commencer la prospection minière dans les débris de la ceinture, il a l'impression qu'une seule journée a passé. Les questions qu'ils se posaient sont toujours là mais il n'a guère le temps de s'y consacrer tellement il est absorbé par ses tâches minières.

C'est pendant les semaines de préparatifs au retour qu'il repense à sa situation. Après discussion avec son partenaire, il a découvert que les originaux sont rarement les financiers. D'habitude les clones sont des répliques des spécialistes du domaine, mais pas lui. C'est un choix égoïste qui ne fait qu'illustrer l'extraordinaire vanité de son original. Une telle arrogance le souffle. Ce qui mine H2 encore plus, c'est qu'il se tue à la tâche pour un tel personnage. Il n'est même pas certain de continuer de vivre au retour de mission. Son original est du genre à se débarrasser de lui lorsqu'il s'apercevra qu'avoir un clone ne l'intéresse plus, ou qu'un clone ne prolonge pas sa vie à lui. H2 n'aura pas droit à plus de considération qu'une expérience à moitié réussie.

Au moment de la suspension pour le voyage de retour, sa décision est prise: il lui faut trouver le moyen de changer les choses. Il ne veut plus n'être qu'un clone. Il veut pouvoir bénéficier de son travail, avoir une vie indépendante de son original.

dimanche 1 avril 2007

Portrait de l'original

Il s'appelle Horatio.

Il a de sérieux problèmes au moment du début de l'histoire. Si le chargement n'atteint pas la Terre, la faillite est certaine. De plus, comme il ne fait pas de différence entre sa vie privée et sa société d'investissement, la faillite serait prononcée à la fois pour son entreprise et pour lui à titre personnel. Ce serait également la fin de sa relation avec Désirée, la femme bibelot qu'il entretient à grands frais. Elle lui permet d'asseoir sa position sociale car elle est la plus belle et la plus onéreuse sur le marché. Elle est toutefois impitoyable. Elle ne reste avec lui que parce qu'il peut se le permettre. Elle le quittera au moment où sa situation financière ne serait plus favorable. Elle ira monnayer sa beauté ailleurs.

Il a bâti sa fortune en effectuant des investissements risqués mais très rentables dans divers projets. Prendre des risques ne lui fait pas peur. Il sait que les meilleurs rendements accompagnent toujours les risques. Il s'est donc lancé dans des projets jugés trop incertains par ses pairs. Parfois le risque a payé, parfois il lui a coûté pas mal d'argent. Dans l'ensemble, il a plus souvent gagné que perdu à ce jeu. Et puis ce qui compte, c'est l'incertitude de l'attente et le frisson de la victoire lorsqu'un projet aboutit. Il cherche par tous les moyens à rendre son existence intéressante.

Cette philosophie a amené Horatio dans des projets hors norme. Créer de l'énergie à partir d'êtres vivants non-unicellulaires par exemple. Utiliser des êtres plus gros (des petits mammifères par exemple), devait permettre de dépasser les résultats des bactéries traditionnelles. Le rendement devait exploser avec l'avantage que les mammifères sont moins fragiles que les bactéries. Horatio a également investi dans une technique de production de chaleur par des forages à grande profondeur, jusqu'au manteau de la planète. Et puis il y a aussi eu le programme de rajeunissement qu'il a soutenu, probablement à cause de sa peur de la mort, de sa mort.

Son coup le plus ambitieux a été de faire partie des investisseurs qui ont accepté la proposition du gouvernement planétaire de récolte dans le système solaire de matériaux indisponibles sur Terre. Le gouvernement cédait des droits d'utilisation des vaisseaux de sa flotte à ceux qui étaient prêts à financer l'affrètement d'un vaisseau. L'équipage serait formé de clones qui seraient cultivés grâce aux équipements du gouvernement, aux frais des candidats. Le clonage constitue le moyen de ne pas ruiner la vie sociale des spationautes en partance pour un voyage d'une décennie. Mais comme la technique est toute récente et qu'elle pose de nombreux problèmes éthiques, elle est réservée à cette utilisation exclusive. Ce qui fait qu'elle n'est absolument pas bon marché. Pour motiver les investisseurs, le gouvernement leur accordait une commission sur la vente de la cargaison au retour du vaisseau, commission substantielle compte tenu de la rareté des matériaux. Ce genre de loterie avait tout pour attirer Horatio qui a été l'un des premiers à s'inscrire pour un vaisseau et se faire cloner.

Pendant que son clone gagnait de l'argent pour lui, il a vécu avec le plus de classe possible, il a investi lorsque les propositions étaient intéressantes et encaissé les dividendes avec triomphe. Du moins pendant les deux premières années. Ensuite, sa chance (ou son flair) ont commencé à le lâcher. D'abord le projet des mammifères fournisseurs d'énergie a été jugé anti-éthique, interdit et les investisseurs ont été punis par de grosses amendes. Puis les forages à grandes profondeurs ont eux aussi été abandonnés. Ils étaient bien partis mais une série d'accidents dramatiques ont mis en évidence les risques énormes que prenaient les hommes et la planète (la création d'un volcan ne crée pas de profits). Quand au programme de rajeunissement, il n'a jamais rien donné alors qu'il lui a coûté une bonne partie de sa fortune.

Horatio est devenu frileux ces deux dernières années. En fait, il n'a plus les moyens de prendre des risques. Aujourd'hui, il gère sa fortune de façon à conserver son train de vie et Désirée, mais il n'est plus en mesure de débloquer suffisamment de fonds pour entreprendre le moindre investissement d'envergure qui rapporte gros. Désirée semble s'en être rendue compte et le force à faire des dépenses démentielles pour le faire craquer. Il lui faut des capitaux rapidement, le vaisseau et sa cargaison doivent arriver sur Terre pour lui permettre de se relancer.

Portraits des personnages

Je vais entamer une série de posts pour situer chaque personnage.

Pour l'instant, j'en ai 4: l'original du clone rebelle et armateur du vaisseau, le clone rebelle, l'autre clone et le représentant des autorités de la Terre. Je vais essayer de situer chaque personnage au moment du démarrage de l'histoire (l'approche du vaisseau de la Terre), leur état d'esprit et leur parcours.